©Jean-François Hocquette
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Alimentation durable : “Il faut éviter de gaspiller et consommer ce dont on a besoin”

ID s’est entretenu avec Jean-François Hocquette, directeur de recherche à l‘Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), sur plusieurs grands enjeux de l’alimentation.  

L’impact de l’alimentation sur l’environnement est indéniable. Mais qu’est-ce qui pose problème, concrètement ?    

Toute activité humaine peut s’accompagner d’un impact sur l’environnement. On peut citer le maintien voire la réduction de la biodiversité animale et végétale, la consommation d’eau et la qualité de l’eau, mais aussi la production de gaz à effet de serre... Le fait de produire des aliments, de cultiver des terres agricoles, de faire de l’élevage, de transformer ses aliments a forcément un impact carbone. Plus la population humaine augmente, plus cet impact carbone sera élevé, c’est évident. Le premier problème est donc l’augmentation de la population. Ensuite, il y a bien sûr aussi des personnes qui ont un impact carbone plus important que d’autres, en fonction de leur mode de vie et notamment de leur alimentation.  

Aussi, il est certain qu’un système d’alimentation qui valorise les ressources naturelles sans dégrader l’environnement est meilleur qu’un système d’alimentation compliqué avec des aliments produits à un endroit, mais consommés à un autre. Cela induit des coûts de transport notamment, et à partir du moment où l’on a un système agricole un peu agressif qui conduit par exemple à abattre des forêts, l’impact environnemental sera nécessairement plus important.  

Il faudrait donc optimiser notre système alimentaire... 

C’est le premier enjeu pour des questions d’environnement. En même temps, il faut continuer à produire des produits animaux et végétaux de qualité, tant sur le plan de la sécurité alimentaire que des qualités nutritionnelles ou sensorielles. Et le tout en prenant en compte les attentes sociétales nouvelles qui se développent en particulier dans les pays développés car la population y est très urbaine. Par exemple, aujourd’hui, la vision de l’animale évolue : des questions prennent de plus en plus d’importance concernant bien-être animal

Un autre enjeu consiste à bien adapter notre consommation à nos besoins : des études ont montré que l’impact carbone de l’alimentation dépend surtout de la quantité que l’on mange et beaucoup moins de la qualité de l’assiette.

Un autre gros enjeu est celui de la lutte contre le gaspillage alimentaire ? 

Le gaspillage alimentaire représente 1/3 de notre production agricole. Dans les pays en voie de développement, c’est au niveau de la production qu’on gaspille et qu’on perd le plus. Dans les pays développés, c’est plutôt au niveau de la consommation. Si on réduisait ce gaspillage alimentaire de moitié, nous serions en mesure de nourrir la population humaine beaucoup plus facilement. Quelques études ont montré que nourrir neuf milliards de bouches est réalisable avec notre production actuelle (ndlr : voir encadré*) ! 

Un autre enjeu consiste à bien adapter notre consommation à nos besoins : des études ont montré que l’impact carbone de l’alimentation dépend surtout de la quantité que l’on mange et beaucoup moins de la qualité de l’assiette. Selon la prospective Inra-Cirad Agrimonde-Terra, il est possible de nourrir la population mondiale en 2050 en ramenant partout “la disponibilité alimentaire entre 2750 et 3000 kcal/jour par habitant”, en particulier pour nous, population occidentale et de l’Union européenne. Actuellement, on est peut-être facilement 10 % au-dessus.  

*Selon un rapport de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) baptisé “Food wastage foodprint : impacts on natural resources  - summary report “:  

“Il semble clair qu'une réduction du gaspillage alimentaire à l'échelle mondiale, régionale et nationale aurait un effet positif substantiel sur les ressources naturelles et sociétales. La réduction du gaspillage alimentaire non seulement éviter la pression sur les ressources naturelles rares mais aussi diminuer la nécessité d'augmenter la production alimentaire de 60 % afin de répondre à la demande de population de 2050.”  

Pourquoi en veut-on autant à la viande aujourd’hui ?  

Il y a des gens qui expliquent que la viande concentre un certain nombre de points de vigilance : un seul d’entre eux ne suffit pas à justifier le désamour pour la viande. C’est plutôt l’accumulation de ces points faibles. Certains disent que la production de gaz à effet de serre par kilo de viande et notamment de bœuf est élevée. C’est vrai et c’est faux en même temps : en moyenne, c’est peut-être vrai mais il y a toujours des systèmes d’élevage beaucoup plus respectueux de l’environnement que d’autres. Il y a des contre-vérités véhiculées un peu partout, dont l’une est répétée en boucle : c’est qu’il faudrait 15 000 litres d’eau pour produire un kilo de viande de bœuf. Cela fait longtemps que plusieurs instituts de recherche dont l’INRA ont expliqué que ce chiffre prend en compte l’eau de pluie nécessaire pour faire pousser l’herbe. Mais si vous enlevez les bovins et les moutons des pâturages, l’eau de pluie va continuer à tomber, l’herbe va continuer à pousser, sauf qu’elle ne sera pas valorisée par les animaux. En réalité, il faut 500 à 700 litres d’eau par kg de viande de bœuf.   

Il faut faire attention à ne pas gaspiller, à consommer ce dont on a besoin mais pas plus, et s’attacher non pas à choisir des aliments spécifiques mais plutôt à avoir une alimentation équilibrée, variée et diversifiée.

On dit aussi que la viande est un processus inefficace car on a besoin de beaucoup de protéines végétales pour produire des protéines animales. On avance souvent qu’il faut 7 à 10 kilos de protéines végétales pour produire un kilo de viande de bœuf : c’est vrai, sauf que dans ces protéines végétales, il faut faire la part des choses entre celles qu’on donne aux animaux et qu’on ferait mieux de donner à l’Homme car il peut les consommer, et celles que l’Homme ne peut pas manger : c’est une chance à ce niveau d’avoir des animaux car ils transforment en viande et en lait des aliments (tels que l’herbe et les fourrages) que l’homme ne peut pas consommer.   

La viande concentre aussi les critiques parce qu’il faut tuer un animal pour l’obtenir. Cela dérange notre condition d’être humain qui vient lui-même de l’animal. Que des gens ne veuillent pas en manger pour des convictions personnelles, il n’y a évidemment aucun problème avec cela. Mais il ne faut pas justifier une conviction personnelle avec des arguments scientifiques qui sont mal interprétés ou faux. 

Comment faire, dans ces conditions, pour mettre plus d’écologie dans son assiette ? 

Il faut faire attention à ne pas gaspiller, à consommer ce dont on a besoin mais pas plus, et s’attacher non pas à choisir des aliments spécifiques mais plutôt à avoir une alimentation équilibrée, variée et diversifiée dont l’impact carbone sera le plus faible possible, ce qui passe par une alimentation locale et des aliments peu transformés. 

Vous avez apprécié cette information ? Vous aimerez également notre guide pratique « L’écologie dans nos assiettes ».

Au sommaire : Tout pour faire sa transition alimentaire en douceur et répondre aux enjeux d’une alimentation plus durable !

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