Cela faisait plusieurs années que les scientifiques et les militants alertaient sur l’incapacité à maintenir ce cap au vu des émissions actuelles de gaz à effet de serre. Ce constat est maintenant confirmé dans une étude parue dans la revue Earth System Science Data.
Un groupe de chercheurs français affiliés au CNRS, au CEA et à Météo France révèle que le budget d’émissions de CO2 permettant de limiter le réchauffement climatique à seulement 1,5 °C par rapport aux années 1850-1900, comme le prévoit l’accord de Paris, est quasiment écoulé.
Épuisé dans 3 ans
Appelé "budget carbone résiduel", il permet d’évaluer la quantité de gaz à effet de serre pouvant encore être émise avant que les chances de ne pas dépasser les + 1,5 °C soient inférieures à 50 %. Pour les auteurs de l’étude, ce budget sera totalement épuisé d’ici 3 ans.
"Pour arriver à ce résultat, on estime qu'il reste à peu près 130 milliards de tonnes de CO2 à émettre pour atteindre ce réchauffement de 1,5° C. Le rythme actuel des émissions est un petit peu au-dessus de 40 milliards de tonnes de CO2 par an. Et donc, ça nous conduit à un petit peu plus de trois ans, seulement, d'émissions encore autorisées pour maintenir le monde sous ce seuil de 1,5° C", explique Aurélien Ribb, chercheur en sciences du climat à Météo France.
Ce délai de 3 ans pourrait même s’amenuiser, puisque les émissions de méthane, un gaz à effet de serre particulièrement réchauffant, ne cessent d’augmenter.
Respecter l’accord de Paris
Les chercheurs soulignent toutefois que l’accord de Paris peut encore être respecté. En effet, même si son premier objectif est devenu inatteignable, il prévoit également de limiter le réchauffement "bien en dessous de 2 °C".
Le budget carbone permettant de maintenir 50 % de chances de ne pas dépasser + 2 °C est évalué à 1 050 milliards de tonnes de gaz à effet de serre, soit 25 ans d’émissions à notre rythme actuel.
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Cependant, si la France enregistre une baisse progressive de ses émissions de CO2, estimée à 1 % en 2024, celle-ci est encore bien en deçà des - 5 % requis pour tenir ses engagements. Pire, cette diminution serait plutôt le résultat de la crise économique, qui met à mal les industries les plus polluantes, que des politiques nationales de décarbonation.
Parmi les dernières initiatives mises en place, l’Assemblée nationale vient d’approuver un projet de loi autorisant le stockage du carbone dans les fonds marins à l’étranger, la France ne possédant pas d’espace d’enfouissement. Une décision contestée par l'opposition de gauche, qui dénonce une "fuite en avant", pour éviter de s’attaquer de face aux émissions trop élevées de la France.
Par ailleurs, même si l'humanité venait à diminuer drastiquement ses émissions de CO2 en quelques années, ce qui a peu de chance de se produire, le réchauffement global du climat ne s’arrêtera pas net. Le système climatique terrestre est soumis à une forte inertie, empêchant l’apparition de changements immédiats.