Il est fort probable que vous ayez récemment vu un spot à la télé avec ce message rassurant : "être flexitarien c’est manger non pas moins de viande mais aimer la viande et en manger mieux". Une manière d’associer au concept de flexitarisme la qualité et non la quantité. La campagne pensée par l’agence Ogilvy est diffusée avec d’importants budgets depuis des années et cela pose un vrai problème d’honnêteté de la promotion sur un sujet d’intérêt général.
A lire aussi : "C’est quoi être flexitarien ?"
Une stratégie marketing pour faire du flexitarisme une opportunité, quitte à déformer la définition
Associer le fait de s’engager, ou d’être "l’omnivore du XXIème siècle" et de manger une viande locale, de meilleure qualité, est défendable même si les limites écologiques sont évidentes, la ficelle se tient. En revanche affirmer en toute impunité qu’être flexitarien c’est manger "mieux " de la viande, c’est mensonger.
Le directeur général d’Interbev (Association Nationale Interprofessionnelle des Bovins et des Viandes) avouait bien volontiers déjà en 2021 qu’il n’était pas question de laisser le flou planer sur ce concept populaire. Chacun pouvait donc prétendre et défendre d’avoir la bonne définition alors que 24 % des Français se déclaraient adeptes du flexitarisme.
Cela est tout à fait faux et répond nécessairement d’une stratégie marketing pensée par les créatifs d’Ogilvy, voyant dans le flexitarisme une opportunité de faire passer un message beaucoup plus constructif alors que la consommation de viande est régulièrement montrée du doigt comme une des causes majeures du réchauffement climatique.
Le poids environnemental de la viande
L’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) estime que la consommation de viande est à l’origine de 14,5 % des gaz à effet de serre dans le monde. Une étude conjointe du Réseau Action Climat et de la Société Française de Nutrition, publiée en février dernier, nous apprend que réduire notre consommation de viande de moitié permettrait de baisser de 20 à 50 % nos émissions carbone.
Les rapports et études se suivent et se ressemblent en la matière, les campagnes de désinformation des représentants de la filière viande et bovins aussi."
Peu de place au doute sur la définition du régime flexitarien
Pourtant, les choses sont claires et ne laissent aucune place au doute. Etre flexitarien, c’est manger "principalement végétarien" (Larousse), et être quelqu’un qui "limite sa consommation de viande, sans être exclusivement végétarien" (Le Petit Robert). Pour le site "Naturellement Flexitarien" en revanche, c’est être "un consommateur éclairé, qui mange de tout : des aliments d’origine animale aussi bien que végétale".
Et si l’on peut trouver quelques nuances sur le site https://www.naturellement-flexitariens.fr/, la publicité télé est, elle, beaucoup plus simpliste avec ce message sans équivoque : "être flexitarien c’est aussi s’engager à consommer de façon raisonnée en choisissant une viande plus durable, et pour ça c’est toute une filière qui s’engage. Aimez la viande, mangez-en mieux".
L’utilisation du mot "raisonné" plutôt que de "raisonnable" prend un sens particulier dans le contexte de manipulation sémantique de l’interprofession de la viande. Il ne s’agit pas de moins manger de viande, mais d’en manger en conscience, loin du flexitarisme donc."
Vers un encadrement par le pouvoir judiciaire ?
Il n’est pas exclu qu’à l’avenir des consommateurs ou des associations représentatives portent l’affaire devant le jury de Déontologie publicitaire ou une juridiction compétente. On peut s’interroger notamment sur l’application de l’article L 121-2 du code du commerce qui détermine les conditions dans lesquelles une pratique commerciale est trompeuse à ce cas particulier de détournement de la définition d’un régime alimentaire, qui ne laisse en réalité planer aucun doute : être flexitarien, c’est manger moins de viande, pas mieux !
Pour aller plus loin : "Tout savoir sur l'alimentation bio"