9 137. C’est le nombre de kilomètres de "lignes de desserte fine" qui maillent le territoire, soit un tiers du réseau ferré national, d’après le Groupe SNCF. Nombreuses, ces petites lignes ferroviaires - principalement destinées aux trajets quotidiens dans les zones rurales et péri-urbaines, restent toutefois aujourd’hui peu fréquentées, concurrencées notamment par le TGV et la voiture. Faute d’attractivité mais aussi de coûts de maintenance élevés, certaines lignes se trouvent délaissées, voire fermées dans certaines régions.
Mais à l’heure de l’urgence écologique et la décarbonation des transports, ces oubliées suscitent à nouveau l’intérêt des pouvoirs publics ces dernières années. En 2022, dans le cadre du soutien à l’innovation technologique et industrielle de France 2030, le gouvernement a par exemple financé cinq projets de trains légers, et de systèmes ferroviaires adaptés aux trains légers, afin de régénérer ces petites lignes.
Parmi eux : TELLi – un train léger innovant porté par la SNCF, avec plusieurs partenaires industriels dont CAF, Texelis, Thales, ou encore Alstom. Pour en savoir plus, ID a interrogé Jacques Berling, directeur du projet.
A quels besoins répond le projet TELLi ?
L’objectif est de mettre sur les rails plus de trains sur les lignes rurales et urbaines. Avec ce projet, nous aimerions proposer deux trains par heure, au lieu d’un train toutes les heures – ce qui est plutôt la moyenne actuelle. Ce mode de transport deviendrait ainsi une alternative crédible à la voiture.
Comment votre innovation peut-elle relever ce pari ?
Muni d'un pantographe afin de bénéficier de l’électricité des caténaires, le train TELLi sera alimenté en énergie grâce à des batteries, ce qui lui permet 200 km d’autonomie commerciale. Il sera également relativement rapide. La vitesse maximale sera de 120 km/h. C’est aussi un train léger qui pèse 50 tonnes et mesure 30 mètres, et qui pourra accueillir 150 personnes au total, avec 70 places assises, de la place pour un fauteuil roulant ou encore 4 vélos à plat.
Au-delà de la conception du train, le projet TELLi nécessite une refonte des infrastructures, et plus particulièrement de la signalisation pour faire circuler plus de rames.
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Où en êtes-vous aujourd’hui dans le développement ?
Des premières expérimentations ont débuté l’année dernière en Nouvelle-Aquitaine. Un train laboratoire circule autour de Limoges, avec déjà 45 000 km au compteur. Nous avons également fait des premiers tests sur la partie énergie, et sur la suspension innovante. En 2025, nous prévoyons ainsi de tester des vitrages performants munis de LED avec Saint-Gobain afin de mieux retenir la chaleur et limiter l’utilisation d’énergie.
Nous souhaitons par ailleurs lancer une expérimentation entre Poitiers et Limoges sur le micro-fret pour le transport de colis ce qui permettrait de réduire la circulation de camions sur les routes.
A quels freins êtes-vous confrontés pour passer à l’échelle ?
Le financement reste notre obstacle majeur. La conception d’un tel train se chiffre en plusieurs dizaines de millions d’euros. Grâce au plan France 2030, les industriels ont pu se lancer dans la conception de sous-systèmes. Néanmoins, ils vont désormais avoir besoin de visibilité sur le marché. Il faut que les régions - qui seront les financeurs, se regroupent et évaluent leurs besoins en termes de nombre de trains pour ensuite passer le marché. A partir de ce moment-là, les industriels pourront commencer à produire. Cela vaut aussi pour les systèmes de signalisation qui nécessitent des moyens pour être digitalisés et automatisés.
Quelles régions sont intéressées ?
Hormis l’Ile-de-France, qui a besoin de trains plus capacitaires en termes de places, je dirais que toutes les régions sont intéressées par le projet. Deux d’entre elles nous ont écrit pour formuler officiellement cet intérêt : la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie. Nous poursuivons les échanges avec les autres régions que nous convions à notre showroom de Saintes au premier semestre 2025 pour leur présenter l'ensemble de nos innovations ainsi qu’une maquette du projet TELLi.
Les chiffres clés :
- 37 millions d’euros cofinancés par l’ADEME dans le cadre de France 2030
- 80 millions d’euros de coût de développement total
Source : Groupe SNCF