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La petite reine ne connaît pas la crise. Depuis quelques années, et plus encore depuis la crise sanitaire, le vélo a conquis le cœur des Français au point de devenir le moyen de transport le plus vendu devant les trottinettes électriques, les voitures, motos et scooters. Selon les dernières données de l’Observatoire du cycle annuel de l’Union sport & cycle (USC), plus de 2,7 millions de vélos ont été vendus en France en 2021, soit une croissance de 4 % en volume et de 15 % en valeur par rapport à 2020. Les vélos à assistance électrique (VAO) ont particulièrement le vent en poupe. 660 000 VAE ont été achetés en France en 2021 contre 515 000 en 2020, soit une hausse de 28 % par rapport à l’année précédente. La pratique du vélo progresse-t-elle pour autant ?
Selon le réseau de collectivités Vélo & Territoires, l’utilisation de la bicyclette a augmenté de 11 % sur les neuf premiers mois de 2022 par rapport à la même période en 2021 et de 33 % par rapport à 2019. Elle demeure toutefois plus forte en milieu urbain qu’en zone périurbaine et en milieu rural. "Au cours des quinze dernières années, c’est surtout dans les grandes métropoles que l’usage du vélo a progressé, notamment grâce à la mise à disposition de 45 000 vélos en libre-service", précise le Commissariat général au développement durable.
C’est notamment visible à Paris où la bicyclette connaît un regain d’intérêt depuis les années 80. "On était à 0, 2 % de part modale. Aujourd’hui, nous sommes à 5%”, note Frédéric Héran, économiste des transports et urbaniste. La baisse du trafic automobile a notamment favorisé cette accélération. "C’est parce que la pression automobile est moindre que les cyclistes se sentent plus en sécurité et ressortent leur vélo. La baisse de la vitesse y est également pour beaucoup. A Paris intramuros, la vitesse moyenne du trafic automobile est passée de 21 km/h en 1992 à 13 km/h aujourd’hui, selon l’Observatoire de la mobilité.”, estime le spécialiste.
Des freins pour un usage quotidien
Si la France se met bel et bien selle, la pratique quotidienne reste minoritaire. "16 % des Français disent utiliser le vélo (tous types confondus : personnel, de fonction, en location, en libre-service...) comme principal mode de transport pour se déplacer au quotidien”, indique l’Obsoco dans son étude La France à vélo - Observatoire du rapport des Français au vélo, publiée en avril 2023. L’usage du vélo reste encore associé aux loisirs (promenades, balades en famille...) et au sport. "60 % des Français utilisent le vélo pour se promener, faire des balades. 45% l’utilisent comme objet sportif (pour s’entretenir physiquement, s’entrainer…)", rapporte cette étude.
Plusieurs freins demeurent pour une utilisation plus régulière. Si la longueur des trajets arrive en tête des raisons invoquées, la sécurité occupe également une place importante. "61 % des non-cyclistes du quotidien évoquent la peur d’utiliser leur vélo pour ces trajets et 54 % l’absence de pistes cyclables qui permettent de sécuriser leur déplacement", note l’Obsoco, avant d’ajouter : "la question du stationnement sécurisé pour son vélo est également centrale : 41 % des cyclistes sont inquiets lorsqu’ils stationnent leur vélo en dehors de leur domicile et 69 % ont déjà renoncé à se déplacer à vélo faute de stationnement sécurisé."
Faire de la France "une nation du vélo”
Conscient des défis qu'il reste à relever pour démocratiser la pratique du deux-roues, et faire de la France "une nation du vélo”, le gouvernement a présenté début mai un nouveau plan vélo doté de deux milliards d’euros. "C’est un coup de pédale historique pour démocratiser l’usage du vélo sur l’ensemble du territoire national. Sans commune mesure avec tout ce qui a été fait jusqu’à présent, ce plan établira une véritable culture du vélo, dans tous les territoires et à tous les âges de la vie”, a fait savoir Clément Beaune, ministre délégué aux Transports.
Parmi les objectifs visés, le développement de nouvelles pistes cyclables afin d’atteindre 80 000 km en 2027 et 100 000 km d’aménagements cyclables sécurisés en 2030. Fin 2022, 57 000 km de pistes étaient déployés sur le territoire. Pour améliorer la circulation et renforcer la sécurité des cyclistes, des modifications du code de la route doivent être expérimentées. Le plan vélo prévoit également de prolonger les aides à l’achat et d’investir dans la formation des jeunes cyclistes. 850 000 enfants, âgés entre 6 et 11 ans, seront formés chaque année, avant leur entrée au collège à partir de 2027.
Autant de mesures qui doivent permettre à la France de combler son retard. Selon l’Ademe, l'Hexagone se situerait au 25e rang de l’Union européenne où la part modale moyenne est de 7 %.
Le saviez-vous ?
Aujourd’hui érigés en modèle, les Pays-Bas n’ont pas toujours été "la nation du vélo” que l’on connaît. "Aux Pays-Bas, le vélo est avant tout l’objet d’une construction sociale et politique”, lance Frédéric Héran, économiste des transports et urbaniste.
Au début des années 60, alors que le pays commence à construire des voitures, les Néerlandais se ruent en masse sur les DAF à boîte automatique. La pratique du vélo s’effondre et le nombre d’accidents de la circulation augmente. En 1971, les décès par véhicules à moteur étaient de 3 300 dont 500 enfants. Face à cette hausse, des mouvements de contestation émergent. En 1972, un groupe de parents créé notamment le mouvement Stop de Kindermoord (halte aux meurtres d’enfants).
En 1973, sous l’effet du premier choc pétrolier, des mesures sont prises pour encourager la pratique du vélo. Les Pays-Bas introduisent par exemple les dimanches sans voiture. A partir de 1975, le gouvernement met la seconde en proposant la création de villes-pilotes à Tilburg et La Haye. Dans ces communes, les premières pistes cyclables séparées de la chaussée sont construites. Elles ouvrent la voie à de nouvelles politiques vélo.
Pour aller plus loin, découvrez Together We Cycle, un film de Arne Gielen et Gertjan Hulster qui revient sur l’essor de la petite reine aux Pays-Bas.
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