Chaque année, "c'est en augmentation d'environ 10% à 15% ces dernières années", estime-t-on à la compagnie des Bateaux rouges, qui organise traversées et promenades en mer dans la baie de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) mais propose aussi des dispersions de cendres et immersions d'urne funéraire.
La loi autorise certes les particuliers à disperser eux-mêmes les cendres d'un proche en mer mais cette pratique est très encadrée: déclarations obligatoires en mairie et respect d'une distance minimum des côtes (plus de 300 m pour une dispersion et 3 milles nautiques pour une immersion d'urne biodégradable) qui nécessite de disposer d'une embarcation.
Les familles se tournent donc souvent vers des professionnels, comme les Bateaux rouges pour qui cette activité funéraire peut représenter jusqu'à deux dispersions dans la semaine, et deux à trois par mois "à la saison creuse", à l'approche de la Toussaint et des premières tempêtes.
La société Cendres en mer, basée dans l'emblématique port de pêche breton du Guilvinec (Finistère), a été créée voici dix ans spécifiquement pour "accompagner les familles dans leur dernier hommage" en mer, service qui n'existait pas à l'époque selon sa co-dirigeante, Sonia Amsellem.
Mme Amsellem constate elle aussi une augmentation sensible des demandes, "10% par an à peu près", bien que sa société ne fasse aucune publicité, laissant jouer le bouche à oreilles.
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Dernière volonté du défunt, attaché ou non à la mer, souhait des familles voulant associer la dispersion des cendres à un souvenir de vacances ou "une histoire personnelle"... "Il n'y a pas de profil type", explique à l'AFP Mme Amsellem.
"Par exemple, géographiquement, ce ne sont pas forcément des gens qui habitent près de la côte, il y en a très peu d'ailleurs. Beaucoup viennent de l'est ou de la région parisienne", dit-elle.
"Désamour du cimetière"
Pour Pascaline Thiollière, chercheuse sur les pratiques funéraires à l'université Grenoble Alpes, cet intérêt pour la dispersion des cendres, en mer ou dans la nature, est à mettre en relation avec "une espèce de désamour du cimetière qui se fait sentir depuis quelques décennies".
Un phénomène lié à "la mobilité, l'éclatement des familles, le fait de ne pas habiter là où on a une tombe familiale", parfois renforcé par le souci d'adopter des pratiques plus écologiques, dit-elle.
C'est vraiment générationnel. Les plus jeunes ne se voient pas dans les cimetières alors que les plus anciens y sont encore attachés.
"C'est vraiment générationnel. Les plus jeunes ne se voient pas dans les cimetières alors que les plus anciens y sont encore attachés", ajoute la chercheuse."Avec la dispersion des cendres, on invente des choses plus proches de la vie du défunt", analyse-t-elle.
Traditionnellement, les sauveteurs en mer de la SNSM, très implantée sur la façade Atlantique, sont très sollicités pour ces dispersions, parfois de génération en génération. "Ca nous est beaucoup demandé et c'est souvent très gratifiant pour nos équipages", confirme Loïc Laisné, délégué de la SNSM pour le département d'Ille-et-Vilaine.
"Ces dernières années, ça s'est beaucoup développé mais ça n'est pas notre vocation première, on ne peut pas répondre à toutes les demandes", insiste ce "patron" de la petite station de Cancale, où l'on effectue environ une dispersion par mois.
Dans d'autres stations, la demande est telle que certaines ont dû se résoudre à restreindre cette activité, qui passe toujours après les appels d'urgence. "Pour les gens, c'est vrai que c'est important mais on contingente désormais à trois cérémonies par mois, parce qu'on se retrouvait à faire une cérémonie dans la semaine, un peu tout le temps, au détriment des exercices", explique Eric Verrière, président de la station de Saint-Malo.
A La Rochelle, le nombre de dispersions a ainsi dépassé en 2024 le nombre d'interventions de sauvetage (110 contre 97) et on réfléchit aussi à limiter le nombre de sorties funéraires.
Avec AFP.