Les déchets verts, alimentaires, biodégradables se retrouvent encore trop fréquemment jetés aux ordures. Selon l’Ademe, l’agence de la transition écologique, les biodéchets représentent 38 % de nos poubelles ménagères, qui pourraient pourtant être revalorisés.
"Ça n’a vraiment pas de sens ! Majoritairement les biodéchets vont être brûlés, des déchets qui sont composés à 90 % d’eau ! Dans la nature, les 'biodéchets' ça n’existe pas, puisqu’ils sont revalorisés tout de suite, ça devient de l’humus, du compost. Nous, les hommes, on ne respecte plus ce processus naturel", s’indigne Pauline Debrabandere, coordinatrice de campagne pour l’association Zero Waste France.
En plus du gaspillage de ces ressources naturelles, leur prise en charge est polluante. Que ce soit la fumée et la consommation d’énergie lors de l’incinération, ou la mise en décharge. "La décomposition des biodéchets, en mélange avec les autres déchets, va produire ce 'jus de poubelle’, le lixiviat, qui représente un risque d’infiltration des nappes phréatiques", explique Pauline Debrabandere. Ils sont aussi émetteurs de méthane, ce qui rend l’impact écologique des décharges encore plus conséquent.
Composter, trier, revaloriser
Il existe pourtant des alternatives à la poubelle grise pour nos épluchures et autres restes alimentaires : le compost individuel ou collectif, partagé dans un immeuble, une résidence, mais aussi la collecte par les collectivités, grâce à des poubelles spéciales ou des points d’apports collectifs.
La finalité ? "On plaide pour un 'retour au sol’ de ces biodéchets, qui semble évident. Les individus peuvent faire directement leur compost, pour leur jardin, ça peut se faire à l’échelle des collectivités, mais il faut aussi valoriser tout ce qui reste au niveau agricole". Une fois collectés, les biodéchets peuvent être amenés en site de compostage industriel, ou en usine de méthanisation, où ils serviront à produire du biogaz.
Inégales avancées
Selon un sondage Odoxa de novembre 2022, 37 % des Français déclarent utiliser un composteur. Ce chiffre devrait augmenter drastiquement après le 31 décembre 2023, date à laquelle s’appliquera l’obligation pour les collectivités françaises d’offrir à leurs habitants une solution de tri à la source des biodéchets. Mais seront-elles prêtent d’ici là ? Pauline Debrabandere se montre pessimiste : "Il y a des collectivités qui ont mis en place le tri à la source depuis vingt ans, et d’autres qui ont commencé à y penser il y a à peine six mois".
Les disparités sont en effet grandes entre les territoires. Selon le même sondage Odoxa, 55 % des Français habitant dans les communes rurales disposent d’un composteur, pourcentage qui tombe à 29 % dans les grandes métropoles, et 21 % dans l’agglomération parisienne. Le logement urbain, collectif et souvent sans extérieur, rend plus compliqué le compostage individuel, mais il est possible de mettre en place une collecte.
C’est le cas dans la métropole de Grenoble. Les déchets collectés sont acheminés dans un centre de compostage "puis mis à disposition gratuitement des agriculteurs locaux pour enrichir leurs sols", d’après la métropole. Un méthaniseur devrait ouvrir en 2024 pour les transformer en biogaz. Depuis 2019, les biodéchets du Pays de Montbéliard Agglomération sont de même revalorisés en biogaz, utilisé pour produire de l’électricité et de la chaleur. D’ici fin 2023, la majorité des points recyclage de l’agglomération devra être équipée de biobornes.
Les collectivités ont eu huit ans pour se préparer à cela. Je vous avoue que pendant les cin premières années il ne s’est pas passé grand-chose…"- Pauline Debrabandere, coordinatrice de campagne Zero Waste France
Des efforts loin d’être généralisés. Selon l’enquête de l’Ademe, seuls 6 % de la population française était concernée par la collecte séparée en 2021. "Ce qui montre le retard en la matière en vue de l’obligation en 2023", constate Pauline Debrabandere. "Il y a beaucoup de collectivités qui ont dit ‘ on a distribué trois composteurs, on a mis en place le tri à la source!‘. Ca c’est la première étape. Mais après, il faut faire tout un suivi dans le temps, former les citoyens : qu’est-ce qu’on fait de son compost ? comment on réduit ses déchets verts ? Comment faire un jardin différent qui produira moins de déchets…"
Dynamisme associatif
Entreprises et associations se sont alors mobilisées pour offrir une solution de valorisation. A l'image des Rennes du compost, une association qui parcourt à vélo la capitale d’Ille-et-Vilaine pour collecter et valoriser les biodéchets des particuliers et professionnels. Mais les collectivités ne pourront pas toujours s’appuyer uniquement sur les initiatives associatives et collaboratives. "Ces bénévoles ont besoin que les collectivités les aident financièrement et humainement, les forment, fassent un suivi du projet pour qu’il soit pérenne", insiste la coordinatrice Zero Waste France.
Si les collectivités les plus en retard n’arrivent pas à respecter l’obligation du tri à la source d’ici le 31 décembre, Zero Waste France et le ministère de la Transition écologique réfléchissent actuellement aux moyens de contrôle et de potentielles sanctions de l’État. "Il faudra pouvoir dire aux collectivités ‘vous n’avez pas fait assez’", prévient Pauline Debrabandere.
Sur le site du réseau Compost Citoyen, qui aggrège l'ensemble des acteurs des biodéchets, une petite horloge décompte impatiemment les secondes jusqu'au 1er janvier, rituel de la nouvelle année dont on fait durer le plaisir. Pour certaines communes, il s'agit plus d'une course contre la montre.
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