Les ONG à l'origine de "L'Affaire du Siècle" ont obtenu gain de cause et contribué à modifier le droit environnemental.
© Christophe ARCHAMBAULT / AFP
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Quand la justice fait avancer la cause climatique

Depuis plusieurs années, les actions citoyennes en justice contre des États accusés d’inaction climatique se multiplient. Si ces plaintes ont une portée concrète limitée, elles ont en revanche une symbolique puissante qui dessert la crédibilité des gouvernements et laisse espérer des changements à venir.

Le droit pourrait bien devenir un levier puissant pour initier une transition écologique plus ambitieuse. La diplomatie verte, si elle a suscité de grands espoirs, est à présent régulièrement taxée d’immobilisme et critiquée pour son manque d’ambition. Cependant, les grands rendez-vous internationaux de ces dernières années ont contribué à donner une visibilité aux enjeux environnementaux. Ainsi, en mettant en lumière de grands objectifs quantifiés à atteindre par les États, notamment en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'Accord de Paris ratifié en 2015 a contribué à une prise de conscience. Des organisations et des citoyens ont alors pu participer à l’évaluation des pouvoirs publics, dont les objectifs environnementaux étaient autrefois plus opaques. La fameuse limite des 1,5°C est aujourd’hui entrée dans les esprits.

Des initiatives qui se multiplient

C’est depuis 2015, justement, que les citoyens et les ONG ont multiplié les actions en justice contre leurs gouvernants, forts de certitudes quant aux manquements, voire aux fautes de ces derniers. Parmi les premières ayant abouti, on peut citer le recours de la fondation Urgenda, appuyé par 900 citoyens, contre l’Etat néerlandais. Au terme d’une longue bataille judiciaire, en décembre 2019, la Cour Suprême des Pays-Bas avait exigé que le pays s’engage à diminuer drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre. Cette victoire a depuis ouvert la voie à des nombreuses autres actions, dont le dernier succès en date est celui de l’Affaire du siècle en France. Le tribunal administratif de Paris a rendu son jugement ce mercredi 3 février, en faveur des quatre associations - Notre Affaire à tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France - et de leurs deux millions de soutiens, signataires de la pétition.

Si ces décisions n’ont que peu de conséquences immédiates et concrètes alors même que le changement climatique nécessiterait des transformations rapides et de grande ampleur, elles n’en contribuent pas moins à modifier le droit environnemental dans le sens d’une transition, et à poser les bases de futurs paradigmes. Dans le cas de l’Affaire du siècle, la condamnation de l’Etat à verser un euro symbolique aux associations plaignantes a pu paraître dérisoire.

Pourtant, comme le rappelait Arié Alimi, avocat d’Oxfam France, sur son compte Twitter, les vraies avancées sont à chercher ailleurs : "la dimension historique du procès, la reconnaissance du préjudice écologique par le tribunal administratif, ou encore de possibles injonctions à agir", etc. Autant d’éléments prometteurs, alors que le nombre de procès climatiques dans le monde a augmenté de 75 % depuis 2017, selon le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). À l’annonce du verdict, les quatre ONG françaises ont ainsi appelé à continuer la lutte pour "faire agir concrètement l’Etat".

Des victoires symboliques qui alimentent le mouvement

La dimension massive de tous ces mouvements est aussi à prendre en compte. Même si les actions en justice sont, la plupart du temps dirigées vers un seul gouvernement national, la multiplication des victoires citoyennes pourrait contribuer à une réaction à grande échelle. Les groupes de plaignants, si petits soient-ils, sont très souvent en lien avec leurs homologues étrangers. Certains collectifs donnent même une dimension internationale à leur plainte, à l’image de celle des jeunes portugais dirigée contre 33 pays, qui a été reçue favorablement par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) à l’automne 2020. Enfin, s’il semble que la préoccupation écologique soit la plus forte chez la jeune génération, certaines initiatives font figure d’exception, comme la plainte des Aînées pour la protection du climat en Suisse. Comme l’indique la co-présidente du collectif de femmes âgées, Anne Mahrer, "la société civile a clairement la conscience de l’urgence absolue" : il faut maintenant que le politique initie un "tournant total dans la transition". 

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