En attendant l'issue du différend entre l'association qui gère le Refuge et le nouveau maire (LR) Arnaud Murgia, qui entend récupérer ce local intercommunal, et après un isolement provisoire pour cause de Covid, la vie continue au rythme des arrivées incessantes.
Joma, jeune Afghan de 18 ans, a poussé la porte dans la nuit. Il a trouvé "un lit", "voudrait se rendre en Allemagne où résident déjà des amis" mais n'en dira pas plus dans son anglais sommaire, car l'appel du ventre est plus fort. Dans le réfectoire, une file d'une quarantaine de personnes se forme pour recevoir le ragout fumant cuisiné par des bénévoles présents matin, midi et soir. "Une centaine se relaient pour perpétuer la règle d'or des montagnards : on ne laisse personne dehors", explique Joël Pruvot, référent "accueil" du Refuge.
Des réfugiés souhaitant rejoindre l'Angleterre ou l'Allemagne
Jusqu'en 2019, les réfugiés arrivaient principalement d'Afrique de l'Ouest francophone, par la Méditerranée et l'Italie, et voulaient rester en France; depuis 2020 ce sont plutôt des Afghans et des Iraniens, parfois des familles, qui sont en transit avec le désir de gagner l'Angleterre ou l'Allemagne.
"C'est un lieu de passage, certains ne restent même pas une journée !", détaille M. Pruvot. "Mais au moins, ils ne traînent pas dans les rues de Briançon", ajoute-t-il, réfutant "le supposé appel d'air" que créerait le Refuge. "Ils fuient les mollahs ou les talibans, ils ne viennent pas à Briançon boire un café!", s'agace M. Pruvot.
Certains attendent des transferts d'argent pour acheter un billet de train ou de bus, ou prennent simplement le temps de souffler et réfléchir à la suite. "Ici, les réfugiés peuvent se reposer, se nourrir, recevoir de l'argent. Il n'y a pas de délinquance, tout le monde est gagnant !", souligne Mehmet Imani. Cet architecte polyglotte de 40 ans guette un transfert et, pour tuer l'attente, joue l'interprète, aide en cuisine ou au ménage. Et soigne ses pieds après 1.700 km parcourus d'Athènes à Briançon à travers les Balkans, un passage particulièrement éprouvant.
"Je sens une sorte de liberté"
Lounès, militant kabyle de 30 ans qui a fui l'Algérie pour des raisons politiques, a failli mourir deux fois en Croatie : lors de la rencontre avec un ours dans la forêt et en traversant une rivière pour échapper à la police. Alors d'être "arrivé ici", après avoir marché dans les neiges précoces de fin septembre, il se sent "vivant". "Je sens une sorte de liberté", confie le jeune homme dans un large sourire. "Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu un lit. Et il y a du wifi !". Il sera plus serein pour songer à un avenir encore flou.
Sise à un jet de pierre de la gare, la bâtisse vétuste et biscornue -- un ancien poste de garde des CRS assurant les secours en montagne -- a été équipée bon an mal an. "On a une box pour tout le monde, c'est aléatoire", constate Pauline, l'une des deux salariées du Refuge payées par des fondations.
Les dons, principale ressource pour le refuge
Tout ici fonctionne grâce aux dons de particuliers, de magasins, d'enseignes. Des boulangeries remettent leurs invendus de la veille, des centres de vacances ont offert de la literie.... Et pour les travaux d'appoint, comme installer un 2e WC pour 35 places très théoriques, les compagnons d'Emmaüs ont fait des merveilles.
"Les conditions d'accueil ne sont pas idéales", admet M. Pruvot, regrettant l'ultimatum posé par le maire de rendre les clés d'ici le 28 octobre, alors qu'aucune solution alternative n'a encore été trouvée malgré d'actives recherches et le soutien financier de grandes ONG. "Il faut éviter toute rupture d'hébergement, surtout cet hiver", abonde Philippe Wyon, porte-parole de la structure.
Les bénévoles reçoivent des formations
Le Refuge s'est structuré avec le temps : chaque migrant est accueilli personnellement (les mineurs sont confiés aux autorités départementales), Médecins du Monde (MDM) assure des permanences, la blanchisserie est assurée avec l'hôpital de la ville grâce à des financements de l'Agence régionale de santé. Et les bénévoles reçoivent des formations. Des cours d'anglais en ce moment, pour ne pas être refroidis "par la barrière de la langue" qui "casse un peu l'envie de venir", reconnaît Nathalie Quimerc'h.
Cette fidèle parmi les fidèles a connu le pire et le meilleur depuis son engagement au Refuge : "annoncer la mort d'un réfugié à ses compagnons de route" mais aussi "sauver des mains et des pieds gelés", fêter un statut de réfugié accordé. Dernièrement, elle a participé à une collecte pour payer des cours de natation à un Camerounais qui "nage comme une pierre" et qui voudrait intégrer La Légion.
Avec AFP.
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