C'est une première en Europe : un pays interdit "totalement" le glyphosate sur son territoire. Selon l'amendement proposé par le SPÖ, les produits à base de glyphosate doivent cesser d'être mis sur le marché, en vertu du "principe de précaution". Il a également reçu le soutien de l'extrême-droite, quand ses opposants conservateurs mettent en avant sa non-conformité avec la réglementation européenne. En 2017, l'autorisation du glyphosate avait été renouvelée jusqu'en 2022 par l'exécutif de l'Union européenne.
Un caractère "supposé nocif" sur la santé humaine et la biodiversité
En effet, le glyphosate est classé, depuis 2015, comme "cancérigène probable" par l'OMS - l'Organisation Mondiale de la Santé. Il s'agissait à l'origine du principe actif du Roundup, un désherbant commercialisé par la marque Monsanto - désormais propriété du groupe Bayer - depuis 1974. Le brevet du glyphosate déposé par la firme est tombé dans le domaine public en 2000 et est désormais utilisé dans la plus grande majorité des désherbants. À l'heure actuelle pourtant, aucune étude scientifique ne confirme réellement le lien entre ce produit et les risques de cancer. En février 2016, l'Anses - agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail - déclarait ne pas disposer de suffisamment de preuves pour classer le glyphosate comme substance potentiellement cancérogène pour l’homme.
Si son caractère supposé nocif pour la santé cristallise les reproches, le débat ne s'arrête pas là. L'herbicide ne s'attaque pas uniquement aux plantes : des études ont démontré qu’il avait un effet neurotoxique sur les abeilles, qu’il impactait le développement des embryons des grenouilles et, plus récemment, celui des moustiques. Un neurobiologiste interrogé par France 3 explique que si "sur les petits animaux, les effets se voient en quelques jours, sur les grands animaux comme nous, ça se verra à plus long terme". "Il nous faudra faire des études cliniques et d'observation sur le terrain chez les humains, pour voir quelles sont les conséquences sur notre santé", ajoute ce dernier.
L'Autriche, à contre-courant de ses voisins européens ?
Fin 2017, la Commission Européenne répond à la pétition "Stop Glyphosate" lancée par l'association Campagne Glyphosate mais renouvelle dans la foulée l’autorisation du pesticide pour cinq ans. Une courte majorité a voté en faveur de cette autorisation de commercialisation - 65,71 % sur les 65 % requis. Ainsi, le glyphosate ne sera interdit qu'à partir de 2022 en Europe. Lors de ce vote, la France s'était prononcée contre le renouvellement.
Cependant, Sebastian Theissing-Matei de l’ONG Greenpeace se montre optimiste en estimant que cette décision "n’est pas seulement un grand pas pour l’Autriche, c’est aussi un très bon signal pour toute l’Europe” - cité dans Le Temps. Certains pays européens ont déjà adopté des interdictions partielles du glyphosate. Depuis 2019, son usage est limité en République Tchèque. Depuis 2016, il est interdit en Italie dans les zones fréquentées par la population et aux Pays-Bas, il est interdit de l’utiliser sur les revêtements et l’asphalte.
En France, son usage y est déjà restreint ; banni depuis 2017 des espaces verts publics et interdit à la vente pour les particuliers depuis décembre 2018.
En décembre 2017, le Président Emmanuel Macron s’engageait même à sortir du glyphosate d’ici 2021 sur Twitter... Mais durant l'année 2018, les députés de la majorité ont refusé à deux reprises d'inscrire l'interdiction du glyphosate dans la loi Agriculture et Alimentation. Leur argument ? Les déclarations du Président étaient suffisantes. Le 24 janvier, Emmanuel Macron a finalement affirmé que l'objectif de sortie d'ici 2021 n'était pas "faisable", car cela "tuerait notre agriculture". Cette décision s'inscrit à contre-courant de celle adoptée par le tribunal administratif de Lyon le 15 janvier, qui annule la décision d'autorisation de mise en vente du Roundup Pro 360 délivrée par l'ANSES, en vertu du "principe de précaution".
Parlement autrichien : des conditions de vote un peu particulières...
La décision ne provient pas du gouvernement. Depuis la démission de la coalition au pouvoir - entre la droite et l'extrême-droite - à la suite du scandale de corruption - l'Ibizagate - survenu en mai dernier, le gouvernement intérimaire est essentiellement composé d'experts. Jusqu'aux prochaines élections législatives, en septembre prochain, ce sera donc au Parlement de décider de nouvelles réformes.
Mardi, à cette même occasion, les députés ont adopté d'autres mesures en faveur de l'environnement, telles que l'interdiction des sacs plastiques d'ici 2021 ou l'interdiction de privatiser les ressources en eau.
Mise à jour : en décembre 2019, le gouvernement a finalement fait machine arrière invoquant une faute de procédure.
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