Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées, dits polluants éternels) sont extrêmement difficiles à éliminer une fois présents dans l'eau ou les sols.
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Santé

Face aux PFAS, des maires "abandonnés" font tester leur sang

Des PFAS jusque dans le lait de vache et des maires "abandonnés" qui font analyser leur sang: l'inquiétude est grande dans 17 villages des Ardennes et de la Meuse depuis la découverte de taux record de polluants éternels dans l'eau du robinet.

Des champs à perte de vue, de jolies maisons dans la verdure, non loin des frontières belge et luxembourgeoise: la tranquillité règne dans ces villages... à part les affiches "eau non potable" qui sont apparues sur les fontaines.

Depuis plus d'un mois, l'eau du robinet y a été déclarée impropre à la consommation, en raison de taux de PFAS très supérieurs à la limite légale de 100 nanogrammes par litre (ng/l), avec entre cinq et 27 fois plus que la valeur guide européenne selon les villages.

Quelque 3.400 habitants sont concernés. Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées, dits polluants éternels) sont extrêmement difficiles à éliminer une fois présents dans l'eau ou les sols.

C'est à Villy, dans les Ardennes, que le taux a atteint un record en France, à 2.729 ng/l. Son maire, Richard Philbiche, a effectué, avec deux autres maires de villages voisins, une prise de sang, afin d'évaluer le taux de PFAS dans son organisme.

Inconnues

"Le but, c'est de voir ce que l'eau donne dans le corps humain", explique-t-il à l'AFP, et d'en partager les résultats avec la population. Les résultats sont attendus à la fin du mois.

Dans le village d'à côté, la Ferté-sur-Chiers, le maire, agriculteur de profession, "a fait une analyse de son lait puisque les vaches mangent l'herbe. On retrouve un petit peu (de PFAS) dans le lait également. Mais il n'y a pas de norme", regrette M. Philbiche.

Peu d'informations sont disponibles sur les conséquences de l'exposition aux PFAS. "On n'est qu'au début de cette histoire...", observe l'édile. Les PFAS peuvent avoir des effets délétères sur la santé: augmentation du taux de cholestérol, cancers, effets sur la fertilité et le développement du foetus...

Pour l'heure, la préfecture des Ardennes indique que "les indicateurs disponibles ne démontrent pas d'impacts sur la santé des habitants du territoire". A côté, à Malandry, des études sont menées par Veolia pour tenter de faire baisser le taux de PFAS de la source d'eau potable: des filtres au charbon actif sont installés dans un tonneau bleu où sont testés 540 litres d'eau par heure.

Des prélèvements sont effectués deux fois par semaine. Mais pour l'instant, les résultats n'ont pas été communiqués à Annick Dufils, maire du village de 80 habitants, qui se dit "très dubitative" sur ce test pilote, au prix "exorbitant" de 20.000 euros pour trois mois.

Élus en première ligne

"Nous sommes entièrement abandonnés", déplore Mme Dufils. "On nous dit simplement: fournissez de l'eau à vos habitants et trouvez des solutions. Mais nous sommes des toutes petites structures, on n'a pas non plus de trésorerie importante" face à cet "enjeu sanitaire".

En attendant, de nombreux habitants ont fait le choix de ne pas abreuver leurs animaux d'eau du robinet et de cuire leurs aliments à l'eau minérale en bouteilles, comme Sylvie Gravier, retraitée habitant Malandry depuis 32 ans. "Ici, on est bien, c'est parfait, mais l'eau, c'est un vrai problème", s'inquiète-t-elle.

Des prélèvements dans les sols ont été effectués et envoyés dans un laboratoire au Canada. Quatre villages du nord meusien sont aussi concernés. À Louppy-sur-Loison, les choses n'ont pas avancé en un mois: "Pour l'instant, il n'y a rien du tout", dit à l'AFP le maire, Guy-Joël Chatton, qui continue d'assurer la distribution de bouteilles d'eau minérale pour sa population (une centaine d'habitants).

La sous-préfecture l'épaule dans les démarches administratives nécessaires à la mise en place d'un "bureau d'études", espérée début septembre. L'origine de la pollution n'est pas claire non plus. Selon les préfectures, elle pourrait être liée à l'épandage, sur des parcelles agricoles situées à proximité des captages d'eau potable, de boues issues de l'industrie papetière.

Avec AFP.