"L'objectif n'est pas de rechercher la cause d'une pathologie, mais de faire de la prévention afin de se placer dans les meilleures conditions possibles pour une grossesse", explique à l'AFP le Dr Fleur Delva, médecin en santé publique au centre Artemis du CHU de Bordeaux.
Premier de ce genre en France, ce centre - créé en 2016 en partenariat avec l'ARS, l'Anses et Santé publique France - propose une consultation sur les expositions de couples ayant des troubles de la fertilité, notamment lors d'un parcours de PMA, ou de femmes hospitalisées pour pathologies de la grossesse.
Présents dans l'air, l'eau, la terre ou nombre de produits courants, des polluants environnementaux peuvent affecter la vie reproductive (nombre et/ou qualité des ovules et spermatozoïdes, fécondation, développement de l'embryon, etc), mais aussi la descendance, parfois sur plusieurs générations.
"Certaines substances chimiques ont des effets sur la fertilité avérés par des données scientifiques solides, certaines sont même classées comme nuisant à la fertilité, mais on n'a pas toujours les données permettant de conclure si certaines expositions ont des effets", précise la médecin bordelaise.
"Plus simple d'en parler"
Après examen de questionnaires distribués à l'hôpital, le centre invite à un entretien plus poussé s'il soupçonne des expositions élevées à des facteurs de risque, au travail ou à la maison.
Fleur Delva se souvient encore d'"un couple qui faisait des travaux chez lui et avait une intense exposition au plomb, spécialement l'homme". Mais "il est extrêmement compliqué au niveau individuel de déterminer un éventuel lien de cause à effet de l'environnement sur la fertilité", souligne-t-elle.
"Des riverains de cultures, comme des vignes, nous demandent si leurs problèmes de fertilité viennent de ça, mais on ne peut pas savoir notamment sans connaître précisément les substances appliquées sur ces cultures", rapporte aussi la médecin. Le centre leur conseille par précaution de fermer les fenêtres pendant les épandages et de bien nettoyer après.
Autre défi : "on peut reconstituer assez facilement les expositions environnementales actuelles, mais il est très difficile de déterminer les expositions foetales".
Quatre structures similaires au centre Artemis existent, à Marseille, Rennes, Créteil, Paris; d'autres sont en vue, à Lyon, Toulouse, Nantes, Rouen, Amiens.
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Un logo pour informer ?
"En huit ans, la sensibilisation a avancé vu les retours des patients et des médecins ; c'est déjà plus simple d'en parler", rapporte le Dr Delva.
Même diagnostic de Virginie Rio, cofondatrice du Collectif BAMP, association de patients de l'assistance médicale à la procréation et de personnes infertiles : "il y a encore cinq ans, quand on partageait un article sur la santé environnementale et la fertilité, on avait beaucoup de retours sur le mode 'ça fait peur, je préfère ne pas savoir', c'est moins le cas".
Sur ce sujet, "il n'y a pas de formule magique, mais des choses de base à savoir", juge-t-elle.
Brochure de conseils (alimentation, qualité de l'air intérieur, élimination de produits toxiques ou avec des perturbateurs endocriniens...), webinaires, articles scientifiques, l'association cherche à sensibiliser ses adhérents.
"La majorité des médecins de PMA, qui parlaient déjà de l'impact du tabac, de l'alcool ou de l'hygiène de vie, abordent aussi désormais les facteurs environnementaux", selon Virginie Rio.
Mais "l'impact des facteurs environnementaux sur la fertilité" est une "thématique majeure" encore "peu connue du public et des professionnels de santé", selon un rapport sur les causes d'infertilité du Pr Samir Hamamah et de Salomé Berlioux remis début 2022 en vue d'un plan gouvernemental.
Pour mieux informer, le Pr Hamamah plaide pour un logo "reprotoxique" sur certains produits ou pour une consultation pré-conceptionnelle axée sur l'évaluation des facteurs de risques liés à l'environnement et au mode de vie.
Il est cependant "difficile pour certaines personnes de changer d'habitudes, car c'est profondément ancré ou qu'elles n'ont pas les moyens financiers", relève Viriginie Rio, observant aussi, "parfois, des décalages importants dans les couples".
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Avec AFP.