Strasbourg poursuit ses ordonnances vertes pendant 3 ans.
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Santé

Dans cette ville, les femmes ont droit à un panier bio gratuit chaque semaine

Strasbourg a choisi de prolonger et d'élargir son initiative en faveur des femmes enceintes, en permettant désormais à 1500 d'entre elles de participer à des cours de sensibilisation et de recevoir des paniers de légumes bio provenant de circuits courts.  

À Strasbourg, la ville a décidé depuis un an de mettre des "ordonnances vertes" en place. Objectif : sensibiliser les femmes enceintes à l'impact des perturbateurs endocriniens sur leur santé et celle de leur enfant, en proposant des ateliers ainsi que des paniers bio gratuits chaque semaine. Un véritable succès, car la ville pérennise le dispositif pendant 3 ans. Entretien avec le Dr Alexandre Feltz, médecin généraliste et adjoint en charge de la santé publique et environnementale. 

Quel est le concept des ordonnances vertes ? 

On sait aujourd'hui que les perturbateurs endocriniens, avec la chimie qui nous entoure notamment les phtalates, les phénols, les pesticides, certains produits du quotidien, ont un effet sur la santé notamment chez les femmes enceintes et vont impacter la santé des enfants à venir en étant responsable de l'augmentation des troubles métaboliques (obésité, diabète) mais aussi des troubles de l'attention, du spectre autistique (maladies neurocognitives), des cancers hormonaux ( cancer de la prostate chez l’homme, cancer du sein chez la femme… ), baisse de la qualité du sperme chez l’homme, augmentation des pubertés précoces chez les jeunes filles…C’est pour cela que la ville de Strasbourg a décidé d'intervenir et de faire de la prévention auprès des femmes enceintes avec une ordonnance verte.

800 femmes ont pu en bénéficier, ce qui marque la fin de notre première phase expérimentale avec une évaluation quantitative et qualitative .

Les médecins généralistes, gynécologues et sages-femmes peuvent prescrire cette ordonnance qui permet aux femmes enceintes strasbourgeoises d'avoir accès à deux éléments : le premier désigne des groupes d'information et de sensibilisation sur les perturbateurs endocriniens (comment s'en prévenir et manger équilibré bio circuit court), le second prend en compte des paniers bio gratuits pendant leur grossesse qui pendant la première phase de l'expérience durait 7 mois. 

À quelle fréquence étaient distribués ces paniers ?

On délivrait des paniers sur l'ensemble du territoire de la ville de Strasbourg une fois par semaine. 

Combien de femmes enceintes ont pu bénéficier de ce double dispositif depuis sa création en novembre dernier ? 

800 femmes ont pu en bénéficier, ce qui marque la fin de notre première phase expérimentale avec une évaluation quantitative et aussi qualitative avec les changements des pratiques alimentaires et domestiques, puisqu'on trouve aussi les perturbateurs dans des contenants (produits plastiques, poêles Tefal, sol PVC) et des produits ménagers. Les changements de comportement de ces femmes mais aussi de l'ensemble de l'écosystème de la famille, sont tout à fait impressionnants. 

Quels exemples remarquables pour saisir ces changements de comportement ? 

Trois exemples rapides. Le premier, 90% des personnes interrogées disent vouloir continuer à manger de l'alimentation biologique en circuits courts à la fin de leur grossesse. Le deuxième, c'est le changement des contenants pour l'alimentation. Le dernier, c'est le changement dans les achats des produits d'entretien, car malheureusement, de nombreux produits d'entretien courants sont toxiques pour la santé.

Tout ce dispositif doit avoir un coût pour la collectivité : lequel ? Et comment cela est-il perçu par les autres administrés ? 

Le coût initial est une subvention de 350 000 euros mais aussi une prise en charge par la collectivité en termes d'organisation de 150 000 euros. On avait donc budgété 500 000 euros pour 800 femmes, qui est pris en charge dans la première phase uniquement par la ville de Strasbourg.

On applique l'universalisme proportionné, c'est-à-dire que nous le proposons à toutes les femmes du territoire mais nous allons davantage vers les femmes dans les quartiers populaires.

Les retours sont très positifs des femmes, des co-parents, de la famille mais aussi bien sûr de l'ensemble des concitoyens qui y voient une attention particulière en termes de santé publique et de prévention. La santé environnementale est aujourd'hui quelque chose qui sensibilise beaucoup la population. 

Vous avez décidé de pérenniser le dispositif : quelle est la suite ? 

En lien avec la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian et l'ensemble des élus du conseil municipal qui a voté à l'unanimité la pérennisation du dispositif, nous allons nous engager désormais sur 1500 femmes autrement la moitié des femmes enceintes du territoire. C'est un chiffre élevé en termes de santé public mais nous constatons qu'il y a une demande élevée de femmes à rejoindre le dispositif. Il prendra effet à partir de janvier 2024, avec cette fois-ci une "durée solidaire", c'est-à-dire que les gens qui ont un revenu plus confortable auront toujours la gratuité des deux séances collectives d'information et deux mois de paniers bio circuits courts par semaine. Ceux qui ont des revenus moindre auront accès à quatre mois et ceux qui ont des revenus plus bas resteront à sept mois de gratuité. La gratuité sera donc différentielle selon les revenus et le nombre de femmes bénéficiaires augmentera. 

1500 femmes bénéficiaires sur 3000, comment les choisir ? 

Nous ne les choisissons pas, cela repose sur le volontariat en lien avec les personnels de santé qui prescrivent les ordonnances. On applique l'universalisme proportionné, c'est-à-dire que nous le proposons à toutes les femmes enceintes du territoire mais nous allons davantage vers les femmes dans les quartiers populaires avec les maisons urbaines de santé, les centres sociaux culturels, les centres médicaux sociaux pour toucher une population qui a encore plus besoin de cette sensibilisation et d'alimentation bio en circuit court gratuit dans un temps où le pouvoir d'achat est particulièrement complexe pour ces populations. 

Singulièrement, au plus les gens ont des capacités financières, au plus ils polluent, achètent des produits qui coutent cher et se suréquipent. Est-ce que ces populations n'ont pas aussi besoin de sensibilisation ? 

Oui, nous sensibilisons tout le monde. Mais aujourd'hui, l'alimentation biologique est plus accessible pour des personnes qui ont des revenus supérieurs alors que nous savons aujourd'hui que les pesticides sont des perturbateurs endocriniens et pour certains des cancérigènes.

C'est pour cela que nous sensibilisons tout le monde mais nous essayons d'accompagner plus spécifiquement les personnes avec des revenus moindres car elles ont moins accès à l'alimentation biologique. 

Nous passons à un budget de subvention de 650 000 euros pour un budget global de 700 000 euros pour 1 500 femmes.

Néanmoins, nous avons conscience que cela désigne un problème plus global : cela impacte la santé de l'humain, de la planète, notamment le plastique qui n'est pas recyclé, qui peuvent polluer nos océans ou espaces naturels et qui seront probablement brûlés, créant une pollution pour l'atmosphère. C'est donc un problème global qui est questionné et la puissance aujourd'hui de la chimie et des dérivés du pétrole qui envahissent aujourd'hui notre quotidien : tout le monde doit être sensibilisé. 

Combien ça va couter maintenant ? 

Nous passons à un budget de subvention de 650 000 euros pour un budget global de 700 000 euros pour 1 500 femmes. Nous sommes rejoints par l'agence régionale de santé Grand Est et le régime local d'assurance maladie (qui est une complémentaire santé solidaire spécifique Alsace-Moselle) et nous interpellons d'autres collectivités comme le conseil régional Grand Est, la collectivité européenne d'Alsace, pour qu'ils nous accompagnent. Une belle dynamique est à constater dans le contrat local de santé : l'ensemble des acteurs s'engagent.

De plus Sandra Regol, députée EELV de Strasbourg, a déposé une proposition de loi au niveau de l'Assemblée nationale pour la généralisation en France de cette initiative strasbourgeoise. 

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