Une prise de parole traditionnelle mais pourtant inédite. Ce mardi 1er octobre, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a présenté sa déclaration de politique générale devant une Assemblée nationale agitée. Un exercice auquel se prêtent tous les chefs de gouvernement nouvellement nommés mais qui, cette fois, s’apparente davantage à un numéro d’équilibriste. Sans majorité, Michel Barnier doit convaincre le bloc central — dont le soutien n’est pas acquis — mais également le Rassemblement national (RN). Le parti d’extrême-droite et ses alliés pourraient en effet voter la motion de censure que le Nouveau Front Populaire (NFP) prévoit de déposer dans les prochains jours, et donc faire tomber le gouvernement.
"Faire plus pour lutter contre le changement climatique"
"Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants". C’est par cette citation d’Antoine de Saint-Exupéry que Michel Barnier introduit la partie de son discours consacrée à la "dette écologique". Celui qui a été ministre de l’environnement entre 1993 et 1995 souligne que les émissions de gaz à effet de serre de la France ont baissé, et qu’il est possible et nécessaire de "faire plus pour lutter contre le changement climatique".
Il rappelle ensuite qu’il croit "à une écologie des solutions" — une expression également employée par la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher — et souligne que "la transition écologique doit être l’un des moteurs de [la] politique industrielle : décarbonation des usines, encouragement à l’innovation, implantation de nouvelles industries de la transition" ou encore "renforcement [des] filières de recyclage".
Concernant les énergies, le Premier ministre a annoncé la poursuite du développement du nucléaire et des nouveaux réacteurs — sous les applaudissements de nombreux députés du bloc central — mais également des énergies renouvelables comme l’éolien, "en mesurant mieux tous leurs impacts". Pour décarboner la production de chaleur et de gaz, Michel Barnier entend valoriser la biomasse et il souhaite développer la filière française des biocarburants pour l’aviation.
"Reconstruire la confiance"
"Nous allons mieux cibler l’accompagnement des particuliers et des entreprises pour la rénovation thermique des bâtiments" poursuit-il, avant de préciser qu’en attendant, le diagnostic de performance énergétique (DPE) serait simplifié et son calendrier adapté. Une réduction des dépenses énergétiques qui s’appliquera également à l’Etat et à ses opérateurs et qui s’appuiera sur des outils comme la stratégie française énergie-climat, le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique et la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie.
Enfin, pour répondre aux enjeux liés aux sécheresses, aux inondations, aux conflits d’usage de l’eau, à la pollution des nappes phréatiques ou encore à l’envolée des prix de l’eau, Michel Barnier promet l’organisation d’une grande conférence nationale.
Au total, le nouveau Premier ministre n’aura accordé que quelques minutes aux sujets écologiques sur une déclaration de plus d’une heure. Et, comme le veut l’exercice de la déclaration de politique générale, il n’aura énoncé que les grandes lignes de son programme. Des grandes lignes souvent huées par certains députés du NFP, qualifiant Michel Barnier de "menteur" ou l’accusant de diminuer le Fonds vert. "Je suis convaincu que nous pouvons trouver un chemin de réalisme et d’action qui passe partout par le contrat plutôt que par la contrainte, et qui nous permette, pas à pas, de reconstruire la confiance", conclut le Premier ministre.
Pour aller plus loin : "Ecologie : gagner plus, dépenser moins"
En amont de son discours, Michel Barnier a consulté les syndicats, les patronats et les présidents de groupes à l’Assemblée et a tenu un séminaire gouvernemental le 27 septembre. Et si des hausses d’impôts étaient attendues, le reste de son programme était resté jusqu’à présent confidentiel. Dans un contexte de déficit budgétaire majeur — 6% du PIB — les mesures annoncées pour l’écologie risquent de se retrouver au second plan. D’autant que pour éviter la censure, des garanties devront être apportées au RN, farouchement opposé à ce qu’il appelle "l’écologie punitive". Les associations de défense de l’environnement, elles, se disent inquiètes. "Les opérateurs de la transition écologique vont faire les frais des coupes budgétaires", déplore Jean Burkard, directeur du plaidoyer au WWF France.