"À plusieurs moments clés de mon parcours, il y a des femmes qui m’ont fait confiance, alors que j’étais très jeune, et pour qui ce n’était pas un sujet".
© Margot L'Hermite/ M-C Garin
Portrait

Marie-Charlotte Garin, pouvoir à la jeunesse à l'Assemblée

Elue à 26 ans la plus jeune députée écologiste de l'Assemblée Nationale, Marie-Charlotte Garin livre un regard neuf et acerbe sur un monde politique qu'elle souhaite "renverser". 

Au fond d’un café boulevard Saint-Germain non loin de l’Assemblée nationale, Marie-Charlotte Garin pianote sur son ordinateur. "Ça doit être la première fois que je suis en avance quelque part !" lance-t-elle avec humour, en dégageant de la chaise adjacente son casque de vélo à paillettes. Elue en juin 2022, à l'âge de 26 ans, elle est la plus jeune députée du groupe écologiste.

L’âge moyen des députés étant de 49,4 ans, et les hommes représentant 62% des élus du Palais Bourbon, celle qui prend pour référence l'ancienne première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern souhaite bousculer les pratiques. "Le renouveau ne passe pas seulement par le fait d’être jeune en âge, mais aussi d’être jeune en politique, d'avoir un regard nouveau sur les pratiques", affirme-t-elle.

Son acronyme, "MCG", rappelle les iconiques "MGB" et "MAM", Marie-George Buffet et Michèle Alliot-Marie. Deux femmes de pouvoirs, qui gravirent un à un les échelons de la carrière politique pour devenir ministres. Marie-Charlotte Garin, elle, a monté quatre à quatre les escaliers qui mènent aux responsabilités.

Une fusée politique

Née en 1995 dans l’Eure d’un père journaliste et d’une mère secrétaire d'ambassade, elle rêve d'abord d’une carrière internationale dans l’humanitaire. Fraîchement diplômée de Sciences Po Paris en 2018, elle s’installe à Lyon dans les bureaux de l’ONG Handicap International, chargée de la lutte contre les violences faites aux femmes en situation de handicap.

Celle qui affirme que "l’écologie et le féminisme ont toujours fait partie de [s]a vie" prend en ce 28 août une décision qui va changer le cours de sa carrière. Ce matin là, au micro de France Inter, le ministre de l’Écologie Nicolas Hulot démissionne, las de ne pouvoir mettre en œuvre un programme ambitieux. Un message qui résonne chez la jeune diplômée. "Cela a fait écho dans ma vie. Les petits pas individuels, la consommation responsable, j'en suis quasiment au maximum, je cherche donc un engagement collectif", un engagement politique.

Elle franchit alors la porte du local d’Europe Ecologie les Verts (EELV) à Lyon, sans trop savoir à quoi s’attendre. "À Sciences Po Paris, je n’avais pas du tout aimé ce que j’avais vu des partis, j’avais un peu de défiance envers le monde politique : tous pourris, tous pareils". Elle est finalement séduite par l’ébullition intellectuelle qui règne chez les écolos de Rhône-Alpes. "Pendant les municipales, on parle de nouvelles méthodes, de sociocratie, de mobilisation citoyenne, d’élections sans candidat..." Elle ne fera plus demi-tour.

"Mon parcours, c’est un peu une fusée qui est montée très vite !" retrace-t-elle entre deux gorgées de thé. Après les élections européennes de 2019, où les écologistes se placent en tête des listes de gauche, elle fait un détour par la désobéissance civile chez Alternatiba. "MCG" s’implique ensuite dans la campagne municipale de Grégory Doucet, par ailleurs collègue à Handicap International. Là encore, sans trop savoir où cela la mènera. "Moi mon bail s’arrête en mars 2020, j’ai prévu d’aller travailler sur le terrain. J’y vais pour donner un coup de main, c’était vraiment pour le fun !". Elle y est notamment en charge des questions de genre, anime le cercle des femmes de la campagne, et se prend définitivement de passion pour cette nouvelle façon de faire de la politique. "Tout ce qui se passait était incroyable, passionnant", répète-t-elle en égrainant chaque opportunité que lui donne le parti écologiste.

Grégory Doucet triomphe, et embarque Marie-Charlotte Garin dans ses bagages vers la mairie. Elle devient collaboratrice pour le groupe à la municipalité, toujours sur les questions de genre. Puis l’année suivante, Nadine Georgel, la maire du 5e arrondissement de Lyon lui propose un poste de directrice de cabinet. "Assez vite, on me dit que je devrais me présenter aux législatives. Je me dis qu’il faut y aller, parce que je ne peux pas avoir poussé pendant des mois des femmes à y aller, et puis paniquer quand c’est à mon tour !" résume-t-elle avec humour.

Cet article est extrait de notre dossier spécial : "Sciences, politique, entrepreneuriat...ces femmes veulent changer le monde". A découvrir ici !

Entrée dans le grand bain

Confortablement élue dans la 3e circonscription du Rhône, Marie-Charlotte Garin remet les pendules à l’heure : "Les gens aiment bien réécrire l’histoire, dire 'c’est grâce à Grégory Doucet qu’elle y est arrivée', non, ça ne s’est pas passé comme ça". Son succès, elle le doit à son travail, ses idées, ceux qui lui ont fait confiance, et c’est tout. "Ne rien devoir à personne d’autre qu’au collectif qui vous a portée, ça permet de rester alignée avec ses valeurs, et de pouvoir porter de nouvelles idées."

Elle n’oublie pas pour autant les femmes politiques qui ont pavé la voie pour sa génération. "À plusieurs moments clés de mon parcours, il y a des femmes qui m’ont fait confiance, alors que j’étais très jeune, et pour qui ce n’était pas un sujet". Lors de la rentrée législative, elle décide de porter la robe qui a valu à la ministre Cécile Duflot remarques machistes et sifflés dix ans plus tôt. "Cela centralisait tous les messages que j’avais envie de faire passer. Un message féministe, un message de transmission aux femmes qui sont passées avant nous et qui ont ramassé. Et c’était une manière de dire "bonjour ! les jeunes femmes en politique ne sont pas là pour être des pots de fleurs !". Par ce coup médiatique, l’élue lyonnaise entre dans le grand bain des politiques, et fait vite face aux requins qui y prospèrent depuis des années, peu enclins à être remis en cause.

Les remarques et attitudes sexistes ont la peau dure dans les couloirs du Palais Bourbon, ce qui met la féministe Marie-Charlotte Garin hors d'elle. "Nous dire qu'il n'y a pas de sexisme à l'Assemblée parce que sa présidente est une femme, c’est hallucinant ! Cela montre un certain niveau de déconnexion et de méconnaissance des rapports de domination, à ce niveau de responsabilités", tonne-t-elle.

Avec plusieurs collègues députées écologistes, Marie-Charlotte Garin partage sur le #balancetonintimidation les messages de haine qu’elles reçoivent de la part d’internautes, d’une violence extrême. "Je ne pensais pas que je serai exposée à ce genre de choses si tôt dans le mandat. Être politique de manière générale expose à la critique, c’est normal. Mais un tel acharnement envers les femmes, avec une mobilisation du lexique des violences sexuelles, des appels au viol, c’est d'une violence extrême." Une entrée abrupte dans la vie politique nationale pour celle qui a si vite conquis le public lyonnais.

Se faire une réputation

Malgré ce tumulte, Marie-Charlotte Garin ne perd pas espoir. "J’ai un objectif en tête, c’est de voir la gauche au pouvoir en 2027". Déterminée, elle espère que son parcours servira d’inspiration à une nouvelle génération d’élues. "Mon rôle, c’est de tenir la porte ouverte pour que d’autres puissent rentrer après moi".

La primo-élue ne se ménage pas pour porter sa voix et ses opinions, se faire reconnaitre de ses pairs. " Au début il y avait ce côté 'elle est mignonne'. Non, je ne suis pas mignonne, je viens pour travailler au même titre que vous ! Maintenant c’est passé, parce qu’il y a une forme de reconnaissance et de respect qui se forme par le travail. Ça permet de se créer une réputation". Membre de la commission des Affaires sociales, elle était en première ligne des grands débats au début du mandat, de l’assurance chômage au budget de la sécurité sociale. "Cela oblige à entrer en scène rapidement".

La députée se fait un nom, est interrogée par les médias, reconnue par ses collègues, bien qu’encore relativement méconnue du grand public. "Quand je m’habille comme une jeune femme de 27 ans, je passe à peu près inaperçue. Un peu comme Clark Kent, je mets des lunettes et on ne me reconnait pas !" plaisante-t-elle. Quoi qu’il en soit, Marie-Charlotte Garin sera bien présente dans les travées de l’hémicycle pour les cinq ans à venir, et elle compte faire parler d’elle. Revenant sur la robe de Cécile Duflot, coup médiatique qui l’a mise en lumière, elle laisse entrevoir par un autre trait d’humour ses ambitions : "j’espère que dans un an, on se souviendra de moi pour autre chose qu’une histoire de chiffons !"

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