"La nature a un potentiel exceptionnel pour réparer nos erreurs", répète Claude Grison. Directrice du laboratoire de Chimie bio-inspirée et innovations écologiques, cette chercheuse au CNRS développe, depuis près de vingt ans, des méthodes pour dépolluer les sols et l’eau grâce à des plantes. Le 21 juin 2022, l’Office européen des brevets a salué ses travaux en lui décernant le prix de l’inventeur européen de l’année. Une surprise pour cette chimiste de 63 ans. "C’est la première fois qu’une démarche dans le milieu de l’écologie scientifique est récompensée à ce niveau. C’est un très bel encouragement pour ce domaine qui est tout jeune et parfois méconnu", confie celle qui aime se définir comme "écochimiste".
Née à Verdun-sur-Meuse, "une petite ville au milieu d’un grand département agricole", cette fille d’un père écrivain et d’une mère fonctionnaire nourrit depuis son enfance un intérêt pour la nature. Au moment de s’engager dans des études, elle préfère toutefois la chimie à la biologie. Etudiante à l’Université de Lorraine à Nancy, elle s’intéresse dans un premier temps à la chimie du vivant. Une matière qu’elle enseigne à partir de 1994 en tant que maître de conférences puis professeure d’université.
Des plantes "mangeuses de métaux"
La scientifique fait alors partie des plus jeunes professeurs de France. Mutée à Montpellier en 2003, Claude Grison devient directrice adjointe du laboratoire de Chimie biomoléculaire. "Je travaillais à l’interface de la chimie, du vivant et de la biologie santé", explique-t-elle. En 2005, elle connait la notoriété en découvrant le fonctionnement d’une enzyme importante dans la résistance des bactéries aux antibiotiques.
C'est en 2008 que l’écologie croise sa route. "De jeunes élèves de classes préparatoires sont venus me poser cette question : peut-on dépolluer avec des plantes ?" se souvient-elle. Vierge de connaissances sur le sujet, la chercheuse se plonge dans des lectures pour tenter de répondre à cette colle. "J’ai abandonné tout ce que je faisais auparavant pour me consacrer à cette grande thématique", lance-t-elle.
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Chercheuse et entrepreneuse
Au fil de ses recherches, elle découvre que certains végétaux vont déployer des stratégies pour survivre dans des milieux pollués. "Les plantes vont extraire les polluants du sol, souvent des métaux, les transporter dans la sève puis les stocker dans les feuilles et les mettre à l’abri", détaille cette passionnée.
Forte de ce constat, la scientifique se met en tête d’utiliser ces plantes pour dépolluer les sites miniers. Mais pas uniquement. "J’entendais en parallèle qu’il y avait un problème de raréfaction des ressources minérales. J’ai alors vu ces plantes comme des ressources de métaux que j’allais pouvoir utiliser et transformer en des outils incontournables d’une chimie verte et durable.”
Pour ce faire, elle transforme les plantes gorgées de métaux en écocatalyseurs. "C’est une poudre minérale très riche en palladium par exemple, utile notamment pour réaliser des médicaments complexes comme des anti-cancéreux", note cette chimiste à la main verte.
Préserver la biodiversité
Claude Grison commercialise aujourd’hui sa solution via la société Bioinspir qu’elle a cofondée en janvier 2020. Parmi ses clients, l’industrie pharmaceutique, la parfumerie mais aussi la cosmétique. "C’est une industrie qui est obligée de faire un effort pour proposer des produits avec un haut degré de naturalité", observe cette entrepreneuse, également à la tête du laboratoire Bioprotection qui propose un répulsif anti-moustiques et tiques.
"Le premier à être Ecogarantie et 100 % naturel”, martèle la cheffe d’entreprise dont le quotidien est bien rythmé. En plus de ses travaux sur la dépollution des sols et des systèmes aquatiques, Claude Grison étudie depuis quatre ans le développement incontrôlé des espèces exotiques envahissantes en Europe. "Elles ont trouvé un terrain de prédilection dans les zones humides, car elles sont souvent d’origine tropicale. L’élévation de la température leur convient également à merveille", poursuit la chercheuse. Problème : elles se développent de façon anarchique et étouffent la biodiversité locale.
Pour limiter leur prolifération, la scientifique a eu une idée. "Ces plantes ne sont pas envahissantes par hasard. Elles ont des composés minéraux uniques dans leur structure que je valorise à travers mes écocatalyseurs en chimie durable". La preuve, une fois de plus, que chimie peut rimer avec écologie.
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