Sans les écosystèmes marins, notre atmosphère contiendrait 50% de CO2 en plus.
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La haute mer, un territoire important et difficile à protéger

Couvrant presque la moitié du globe, la haute mer est autant essentielle à la vie sur Terre qu'elle est peu protégée par le droit international. Un accord historique signé par les Etats membres de l'ONU pourrait changer les choses à l'avenir.

"Le navire a atteint le rivage". Rena Lee, présidente des négociations sur la biodiversité marine à l’ONU annonce en ces mots l’aboutissement de quinze ans de discussions. Ce soir du 4 mars, les Etats membres sont parvenus à un accord "historique" pour la "conservation et l’utilisation durable de la haute mer". "Une victoire pour le multilatéralisme et contre les tendances destructrices auxquelles est confrontée la santé des océans", se félicite le secrétaire général des Nations-Unis Antonio Gutererres.

La haute mer commence là où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, à 200 milles nautiques des côtes (370km). Occupant 60 % de la surface des océans et 45 % de celle du globe, la haute mer n’était jusqu’ici que peu soumise aux accords internationaux, délaissée de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982. Située en dehors du périmètre d’action des Etats, la haute mer, aussi nommée "eaux internationales" est pendant longtemps considérée autant comme un bien commun de l’humanité que comme une zone de non-droit.

 

carte des eaux internationales

Carte des eaux internationales, en bleu foncé. En bleu clair, les ZEE nationales / C.C BY-SA 3.0 CL

 

Pour Glen Wright, chercheur de l’IDDRI et spécialiste du droit et de la gouvernance des océans, "à l’époque on n’avait pas beaucoup de connaissances sur les fonds marins, ni de technologies assez performantes pour les explorer". Ce qui explique que les autorités internationales ont longtemps omis l’importance de cette zone pour l’humanité.

Un mystérieux univers à protéger

L’ONG Greenpeace, en partenariat avec les universités d’Oxford et de York rappellent en 2019 le rôle majeur de la haute mer dans la préservation des équilibres environnementaux. Comme les forêts, les écosystèmes marins de haute mer forment une "pompe biologique", un puit de carbone, qui capture les émissions de CO2. "Sans ce service essentiel, notre atmosphère contiendrait 50 % de CO2 en plus, et la hausse des températures rendrait la terre inhabitable", souligne l’étude.

A ce rôle vital pour la planète, il faut rajouter les découvertes récentes d’écosystèmes uniques, comme les "ressources génétiques" des planctons, végétaux ou poissons des fonds marins, suscitant la curiosité des chercheurs et des entreprises. Avant l’accord de l’ONU, aucune disposition ne protégeait ces ressources.

L’impact du réchauffement climatique et des pratiques non-encadrées comme la surpêche ont dégradé cet univers encore mystérieux des profondeurs marines. Dans son rapport de 2019, le Giec soulignait que le réchauffement, l’acidification et la pollution des océans perturbent la répartition et l’abondance des écosystèmes en haute mer. Selon WWF, environ 60 % des requins pélagiques sont en danger d’extinction du fait de la surpêche et de la pollution.

Accord historique

Grâce aux " ONG, scientifiques et citoyens qui ont su faire pression sur les gouvernants" selon Glen Wright, ceux-ci sont parvenus à l’élaboration d’un traité sur la haute mer. Il donne enfin des moyens d’action aux Etats pour protéger la plus grande zone océanique du monde : création d’aires marines protégées, obligation d’évaluations d’impact des nouvelles activités, partage juste et équitable des découvertes, sont parmi le large panel de mesures inscrites dans le texte. Pour Glen Wright, "cet accord dispose enfin de mesures contraignantes, d’obligations, pour atteindre ‘l’objectif 30x30’, qui jusque-là ne prévoyait pas de mécanismes d’application". La COP15 sur la biodiversité de Montréal en décembre 2022 a fixé l’objectif de protéger 30% des océans du monde d’ici à 2030. Le traité sur la haute mer, à condition d’être ratifié par 60 pays, pourra permettre de répondre à ces engagements.

Zones d'ombre

Une condition loin d’être assurée, tant le consensus cher au fonctionnement du système international est difficile à atteindre. Si l’Union européenne et ses pays membres garantissent une trentaine de voix, d’autres, comme la Chine, la Russie ou les Etats-Unis ont déjà brillé par le passé sur leurs réticences à s’engager sur les questions environnementales."Les Etats-Unis ont une relation assez distante avec le droit de la mer et les accords de l’ONU. On ne sait jamais ce qui peut se passer", abonde Glen Wright.

Le traité laisse aussi des zones d’ombre sur certains sujets, comme l’exploitation minière, ce que déplore François Chartier, chargé de campagne Océans pour Greenpeace France. "En tant que militant, voir l’aboutissement d’un combat si long est rare et précieux. Mais trop de place est encore laissée à des activités aussi destructrices que l’exploitation minière en haute mer". Un sujet sur lequel planche l’Autorité Internationale des fonds marins, dont les membres sont réunis à Kingston jusqu’au 31 mars. L’autorité pourrait autoriser l’exploitation des minerais des fonds marins, au grand dam de plusieurs pays menés par la France et d’ONG, qui appellent à un moratoire pour éviter le minage des sols océaniques.

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