Dans la juridiction française, le "crime" contre l'environnement ne sera pas. La création de l'écocide, plébiscité depuis longtemps par les défenseurs de l'environnement et les membres de la Convention citoyenne, s'en tiendra finalement au seul statut de "délit". Les 150 participants lui avaient pourtant consacré une ligne dans leurs propositions rendues au gouvernement en juin dernier. Ce week-end, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili et le ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti ont annoncé, dans une interview croisée au Journal du Dimanche (JDD), la création du "délit d'écocide".
Exit la notion de "crime"
Aux 150 propositions de la Convention Citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron s'était engagé à en retenir la quasi-totalité. À trois jokers près. Mais l'exécutif a finalement choisi l'option "délit" plutôt que "crime" : une nuance qui implique une catégorisation de l'infraction comme "modérée", alors que le plus bas niveau relève de la contravention (le plus haut tient quant à lui du crime). Selon la ministre, le président avait "dès le départ" indiqué que "la rédaction proposée pour l’écocide ne pouvait être retenue telle quelle". "Elle était en effet trop imprécise, ce qui la rendait potentiellement inconstitutionnelle", a-t-elle affirmé auprès du JDD.
Barbara Pompili a également assuré que la proposition, telle qu'elle a été retenue "est en fait la traduction, en des termes juridiques précis, de ce que demandaient les promoteurs historiques de la reconnaissance de l'écocide".
Quels seront les contours du délit d'écocide ?
Deux types de délits devraient être mis en place, ont précisé les deux ministres : le "délit général de pollution", ainsi que le "délit de mise en danger de l'environnement". Selon Eric Dupont-Moretti, les peines encourues pour le premier seront "de trois à dix ans d'emprisonnement selon qu'on est en présence d'une infraction d'imprudence, d'une violation manifestement délibérée d’une obligation et la plus lourde, d’une infraction intentionnelle". Les amendes quant à elles devraient osciller entre 375 000 et 4,5 millions d'euros. Pour le second délit, qui "vise à pénaliser la mise en danger délibérée de l’environnement par des violations délibérées d’une obligation", il devrait relever d'un an d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende.
Pour faire appliquer ces peines, plusieurs instances devraient voir le jour : une juridiction spécialisée de l'environnement, ainsi que "des postes d'assistants spécialisés en matière environnementale afin de renforcer les moyens de cette nouvelle juridiction spécialisée", a précisé le garde des Sceaux. Enfin, le gouvernement devrait également "renforcer les services d'enquête en matière d'environnement en créant un statut d'officier de police judiciaire pour les inspecteurs de l'environnement".
Militants et défenseurs de l'environnement déçus
Chez les écologistes, on salue la décision malgré un arrière-goût amer. Sur Twitter, le réalisateur Cyril Dion déplore, au-delà d'une "amélioration du droit", une proposition "infiniment moins ambitieuse" que celle de la Convention citoyenne.
Une idée partagée par Valérie Cabanes, co-fondatrice de l'association Notre Affaire à tous : "Utiliser le terme d'écocide en le vidant de sa substance est un mauvais tour fait aux citoyens, en donnant l'illusion qu'ils ont obtenu ce qu'ils souhaitaient".
Du côté des avocats aussi, on enfonce le clou. "C'est un exercice de communication. Ce qui est présenté est, en réalité, une idée qui date de plusieurs années : le délit général de pollution. C'est une réunion de nombreux délits existant, cela va permettre de simplifier", assure l'avocat spécialisé dans l'environnement Arnaud Gossement auprès du Parisien. L'ex-ministre Corinne Lepage, elle, dénonce "une farce" : "Il y a un règlement communautaire de 2008 qui oblige les Etats membres à créer dans leur droit interne des infractions en matière d'environnement dans tous les domaines. Nous avons donc simplement douze ans de retard". "Les seules dispositions pénales sérieuses qui existent sont pour la pollution de l'eau, poursuit-elle. Il y aura du progrès si on sanctionne des délits qui ne le sont pas encore, comme pour l'air ou le sol. Ce qui est malhonnête, c'est d'appeler ça écocide. C'est du pipeau", lit-on dans le quotidien.
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