La décarbonation de tous les sites industriels français coûtera 50 milliards d'euros d'ici 2030.
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En bref

La tarification du carbone menace la survie de certaines industries en Europe

La tarification future des émissions de CO2 en France et en Europe menacerait la survie de certains secteurs industriels, notamment liés aux métaux (acier) et aux minéraux (ciment, verre), qui doivent donc investir rapidement pour faire baisser leurs émissions, analyse une étude du cabinet Deloitte et de La Fabrique de l'Industrie.

"Les secteurs fortement émetteurs seront significativement affectés par la tarification du CO2", (...) leur survie est même parfois menacée", avertissent les deux anciens patrons français Louis Gallois et Pierre André de Chalendar, coprésidents du groupe de réflexion la Fabrique de l'Industrie, dans cette étude rendue publique jeudi. Le document de 75 pages calcule secteur par secteur, l'impact de la tarification du carbone, envisagée à partir de 2030 lorsque les allocations gratuites de quotas d'émissions de carbone européens aux industriels vont diminuer, voire disparaître en 2035, sur leur activité, s'ils continuent à émettre autant de CO2.

Au total, avec un coût moyen du carbone estimé à 250 euros la tonne à l'horizon 2030, le surcoût global pour les entreprises émettrices s'élèverait en France à 58 milliards d'euros, soit environ 2,5 points de PIB. Ce qui risque de créer de nouvelles délocalisations ("fuites de carbone") dans certaines industries qui ne parviendraient pas à transférer ces surcoûts à leurs clients. "L'étude se place sur le temps long, tous les secteurs devront être responsabilisés face à leurs émissions de carbone, soit ils paieront une taxe, soit ils investissent maintenant pour transformer leur mode de production et éviter de payer la taxe", souligne Olivier Sautel, associé chez Deloitte et co-auteur de l'étude.

Un résultat alarmant

Le résultat de ce travail est particulièrement alarmant pour les secteurs les plus émetteurs de CO2: sidérurgie, aluminium, métaux, ainsi que tout le secteur cimentier. "Les surcoûts engendrés par un prix du carbone de 250 euros la tonne de CO2 dépasseraient 100% de l'excédent brut d'exploitation de ces secteurs" (107% pour les cimentiers) s'ils ne font pas d'efforts d'investissement rapides, préviennent les auteurs. La chimie aussi est très concernée, avec un surcoût de 56% de l'excédent brut d'exploitation.

Même des secteurs moins émetteurs doivent se préparer à des surcoûts, estimés à 12% de la marge du textile et de l'habillement, par le rapport. "Le prix du carbone a longtemps été très bas, autour de 20 euros la tonne. Avec la reprise post-Covid, le prix a augmenté de 180% en 1 an, à 96 euros la tonne, et a rebaissé depuis la guerre en Ukraine aux alentours de 78 euros la tonne, mais il devrait continuer de progresser au fur et à mesure de l'abaissement des plafonds d'émissions autorisées", souligne pour l'AFP Caroline Minni, de la Fabrique de l'industrie, co-autrice de l'étude. Selon elle, l'industrie d'aujourd'hui "sera amenée à évoluer": "il est important d'investir aujourd'hui pour éviter que le secteur de l'aluminium par exemple qui a déjà subi plusieurs délocalisations ne parte d'Europe" ajoute Mme Minni.

Avec AFP.