Entre réglementations qui se précisent, nouveaux outils d'évaluation et engouement des investisseurs, "il y a un terreau fertile pour une accélération de la transition verte sur les marchés financiers", assure Vincent Juvyns, stratégiste pour JPMorgan AM.
Depuis début 2021, les fonds européens dits "article 9", qui ont un objectif d'investissement durable au sens d'une réglementation européenne, ont attiré chaque trimestre plus de capitaux et leurs encours atteignent environ 400 milliards d'euros fin septembre 2022, selon l'association européenne des gestionnaires d'actifs (Efama). Bon signe car "les investisseurs constituent le vrai moteur" de la finance durable, pour le directeur de la recherche d'Homa Capital Lionel Melka,
Vincent Juvyns souligne aussi parmi les facteurs favorables une large "prise de conscience" des enjeux climatiques et du "besoin d'accélérer la transition énergétique à cause de la guerre en Ukraine", ainsi que "des outils disponibles, comme les obligations vertes et durables". Le cadre réglementaire se précise également, avec aux commandes, la Commission européenne qui multiplie les textes en lien avec son ambition de neutralité carbone en 2050.
Une nécessité pour limiter l'écoblanchiment: selon une récente enquête journalistique réalisée par une dizaine de médias européens, dont Le Monde, 46% des 838 fonds classés articles 9 étudiés (sur un total de 1.141 fonds de ce type enregistrés en Europe) investissent dans des entreprises liées aux énergies fossiles et à l'aviation.
"Big bang"
En 2023, les entreprises européennes devront déclarer la part de leur chiffre d'affaires issu d'activités considérées comme durables par l'UE. Et côté gérants d'actifs, les exigences des fonds "verts" s'intensifient et il deviendra obligatoire à partir du 1er janvier de demander aux clients investisseurs leurs desiderata en matière de durabilité, comme la part du portefeuille à y consacrer.
Ce qui va créer un "big bang" selon M. Melka, ce sont les normes comptables extra-financières, attendues pour 2024. En plus de décrire l'impact de l'entreprise sur le climat et la société, le projet présenté à la Commission européenne prévoit de prendre en compte le risque que fait peser le changement climatique sur l'activité de l'entreprise, qui devra indiquer la proportion et la valeur de ses actifs menacés. Cela pourra donner lieu à des provisions, de quoi forcer toutes les entreprises "à se mettre au diapason, sinon même le système capitaliste va finir par les punir", estime Lionel Melka.
"Les planètes sont en train de s'aligner", se réjouit-il, et surtout pour ce qui est du développement de la finance à impact, qui en plus de promettre d'investir en prenant en compte des critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance, cherche à générer un impact positif via son investissement. Ce compartiment représente 1.164 milliards de dollars dans le monde et a bondi de près de 70% en deux ans, selon le réseau mondial d'acteurs de la finance à impact GIIN.
Conflit avec la réalité ?
Coline Pavot, responsable de la recherche investissement responsable de La Financière de l'Echiquier, reste cependant dubitative quant à une accélération de la finance verte grâce aux réglementations. Pour elle, 2023 sera plutôt l'année de "la confrontation entre les promesses et engagements pris et la réalité de l'économie", rappelant qu'un très faible pourcentage de l'activité des entreprises est aligné avec les objectifs de l'Accord de Paris. Le reste de l'économie est en transition et a besoin d'investissements pour changer de modèle selon l'experte.
Ce problème d'adéquation entre engagements et réalité pourrait s'améliorer avec le lot de mesures "Ajustement à l'objectif 55" de la Commission européenne, qui vise à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55% d'ici à 2030 et qui déterminera les contours de la métamorphose de l'économie européenne. Il s'ajoutera à des mesures concrètes existantes comme l'interdiction de vendre des véhicules thermiques à partir de 2035.
Avec AFP.