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En bref

Dans le chaos du marché obligataire, la dette verte résiste

Face à l'explosion des taux d'intérêt en 2022, les émissions de dette sur les marchés financiers ont tourné au ralenti. Toutes les dettes? Non, car une petite partie résiste: les obligations vertes.

Certes, le petit village des émissions vertes ne pèse pas grand-chose dans l'immensité du monde obligataire, mais il continue d'affirmer sa spécificité. Alors que les émissions de dette dans le monde au cours des trois premiers trimestres ont chuté de 27% par rapport à 2021, celles que l'agence de notation Moody's classifie comme "vertes" n'ont baissé que de 9%, selon leur estimation préliminaire transmise à l'AFP. Moody's a aussi relevé une plus grande diversité géographique et sectorielle.

Mieux encore: le fond d'investissement néerlandais NN Investment Partners estime que les émissions de dette verte vont continuer de croître sur l'ensemble de l'année, battant leur record de 2021, pour atteindre 500 milliards d'euros. Début octobre, sur les trois milliards d'euros levés par EDF, 1,25 l'était en dette verte. Mi-octobre, l'état fédérale suisse a émis sa première obligation verte pour 766 millions de francs suisses (environ 790 millions d'euros), une réussite qui appelle d'autres émissions dans les prochaines années.

Par "dette verte", les acteurs du marché se réfèrent à la définition et aux critères établis par l'Association international des marchés de capitaux (Icma), selon laquelle une obligation verte "est utilisée exclusivement pour financer ou refinancer, partiellement ou en totalité, des projets verts nouveaux ou existants".

Parmi les buts des projets inclus dans cette définition, se trouvent l'efficacité énergétique, la préservation de la biodiversité ou encore l'adaptation au changement climatique. L'association "encourage vivement" les entreprises à communiquer leurs objectifs du projet financé et les raisons de leur classification comme vert, et doivent "mettre à disposition un dossier d'information", mise à jour chaque année, sur l'évolution du projet. Cette démarche est différente de celle des émissions liées au développement durable (sustainability-linked bonds en anglais), bien moins contrôlées, mais parfois englobées dans la définition de dette verte.

Intérêt plus bas

Encore en 2022, "la demande de dette verte" de la part des investisseurs "est plus importante que l'offre" des entreprises, estime Scott Freedman, spécialiste de la dette verte à Newton Investment, interrogé par l'AFP. Avoir de la dette verte en portefeuille contribue pour des fonds d'investissement à être considérés comme responsables dans certains labels ou réglementations.

Ce déséquilibre entre demande et offre permet pour les entreprises d'emprunter avec un léger bonus, un taux d'intérêt plus faible à conditions équivalentes, appelée "Greenium" (contraction de "Green" et "Premium"). "La différence n'est que de quelques points de base en 2022, à peu près autant que les années précédentes", selon M. Freedman.

L'appétit des investisseurs pour cette dette devrait se poursuivre: la tendance est "menée par les nouvelles régulations" qui sont mises en place, notamment au niveau européen, souligne Bram Bos, gérant de la stratégie obligations vertes de NNIP. "On a observé un pic d'argent entrant dans nos fonds", en raison des nouvelles règles qui vont être mises en place.

L'Europe est encore la région en pointe sur la dette verte - 63% des émissions de dette verte était en euros selon des données compilées en août 2022 par l'agence financière Bloomberg. Les émetteurs sont principalement des entreprises bien notées par les agences de notation, même si certaines moins bien classées s'aventurent aussi vers la dette verte.

Mais M. Bos avertit des risques encore présents sur le marché obligataire vert, et l'importance pour les investisseurs d'effectuer leurs propres recherches sur les émissions spécifiques. Son fonds a par exemple refusé de participer à l'émission de dette, qui est pourtant été classée verte, visant notamment à financer l'amélioration des bâtiments dans les aéroports du groupe néerlandais Schiphol. Au-delà du projet à financer, toute la stratégie de l'entreprise et sa trajectoire carbone devraient être prises en compte, insiste-t-il.

Avec AFP.