Lucie Pinson, fondatrice et directrice de Reclaim Finance.
©Camille Dufétel/ID, L'info durable
En bref

Climat : Lucie Pinson, meilleure ennemie de la finance

Elle fait feu de tout bois pour pousser le secteur financier à se verdir. Autant redoutée qu'appréciée, la militante écologiste Lucie Pinson, à la tête de l'association Reclaim Finance qu'elle a fondée et qui croît à vitesse grand V, assume son rôle d'aiguillon.

Les engagements des acteurs financiers à sortir du charbon, pris majoritairement à partir de 2019 et salués par de nombreux militants du climat, lui sont souvent attribués. C'est d'ailleurs pour son activisme sur ce sujet que le prix Goldman, équivalent du Nobel pour les militants écologistes, lui a été attribué en 2020. Les promesses sur le charbon sont "plutôt respectées", estime cette femme de 36 ans, mais "cela n'avance pas assez vite" sur le pétrole et le gaz, son nouveau cheval de bataille, juge-t-elle auprès de l'AFP avant le Climate Finance Day, qui réunit ce jeudi les acteurs français de la finance pour s'engager contre le réchauffement climatique.

"Plutôt pessimiste" sur la capacité de l'humain à affronter le changement climatique, surtout quand elle voit "la réticence du gouvernement et l'absence de volonté politique à réguler le secteur de la finance", Lucie Pinson ne baisse pourtant pas les bras. Tantôt huée, tantôt applaudie dans les assemblées générales d'entreprises où elle intervient régulièrement, cette infatigable militante, au débit ultra-rapide et à l'aise avec les concepts techniques, dit ne "jamais rien lâcher" pour tenter de faire bouger le monde financier, quitte à y consacrer 70 heures par semaine. "Je me lève tôt, je dors peu, je me couche tard", résume-t-elle.

Goût pour la contestation

Elle assume de faire du "lobbying", un terme souvent peu apprécié des ONG pour sa connotation de défense des intérêts privés, opposés à l'intérêt général - un concept auquel elle ne croit pas: "Je crois à l'intérêt de la majorité, mais il y a forcément des perdants", défend-elle. Originaire de la région nantaise, Lucie Pinson a créé Reclaim Finance en 2020, après avoir été chargée de campagne pendant des années pour les Amis de la Terre.

Avant cela, elle a travaillé deux ans en Afrique du Sud, à l'issue d'un cursus de sciences politiques et humanités à l'Institut Albert le Grand, un établissement catholique où elle a côtoyé "la vieille aristocratie française", "un milieu très étranger" au sien. "Je ne serais pas arrivée là où je suis si je n'étais pas passée par cette école", qui l'a poussée à préciser ses positionnements politiques, alors très minoritaires, et à argumenter, raconte celle qui se reconnait "un certain goût pour la contestation et l'opposition".

"Ce n'est pas pour rien que j'ai fondé une association: il y a un petit côté 'je préfère imposer mon rythme'", confie-t-elle.

"Dans le dialogue"

Parmi les acteurs financiers qui la côtoient, rares sont ceux qui acceptent de parler d'elle ouvertement, même si elle semble plutôt bien perçue, notamment comparée à d'autres figures militantes ou ONG. "Nous ne partageons pas toujours les analyses de Lucie Pinson, mais elle est dans le dialogue", salue Antoine Sire, directeur de l'engagement d'entreprise de BNP Paribas, qui la juge "très compétente", même si la dernière initiative de Reclaim Finance, "Change de banque", a fait grincer quelques dents.

"C'est une très bonne stratège", décrit Lorette Philippot, qui lui a succédé aux Amis de la Terre et oeuvre souvent avec elle. "C'est compliqué", explique en revanche le porte-parole d'un acteur important de la Place de Paris, selon qui "elle joue son rôle" mais "dit parfois des conneries". Lucie Pinson explique que son but, "en faisant du lobbying, c'est de comprendre les raisons qui pourraient pousser (ses) interlocuteurs à bouger", qu'elles soient d'ordre éthique, économique ou réputationnel.

Elle pratique sans complexe le "name and shame" (pointer du doigt publiquement). En quelques années, Reclaim Finance a grossi extrêmement vite et emploie aujourd'hui 25 salariés. "La finance est un levier hyper-stratégique et pourtant peu, voire pas considéré par les ONG", relève celle qui attire les projecteurs médiatiques. Elle aimerait bien ne pas être la seule et espère que, le temps passant, les nouveaux membres de Reclaim Finance prendront leur part de lumière.

Avec AFP.