"Plus de transition dans leur formation”, c’est ce que réclament des étudiants en finance interrogés par le WWF France et Pour un réveil écologique dans une étude publiée le 7 juin dernier. Menée en ligne auprès de 500 étudiants, toutes filières confondues, cette enquête révèle le “décalage entre la sensibilité des étudiants à la transition écologique (évaluée à 7/10 en moyenne) et leurs connaissances perçues sur le sujet (évaluée à 5,9/10)”. Face à ce constat, 75% d’entre eux demandent à ce que les enjeux liés à la transition soient mieux enseignés dans les formations en finance.
“Aujourd’hui, les éléments liés à la transition écologique en cours de finance portent surtout sur les facteurs ESG, la présentation générale de la finance durable et la gestion du risque écologique en tant que risque financier. Les outils/données pour la finance durable, la finance à impact et le cadre réglementaire sont sensiblement moins étudiés, même si les cursus en finance ont tendance à davantage les intégrer dans leur maquette pédagogique que la moyenne des formations”, révèle l’étude.
Conscientes de l’intérêt grandissant pour les enjeux de la transition, et en particulier de la finance durable, les écoles de commerce sollicités dans le cadre de l’étude, comme l’ESCP, HEC Paris, Toulouse Business Schools, se disent prêtes à faire évoluer leurs pratiques. 75% des formations interrogées comptent effectuer une refonte de leur offre de cours d’ici 2023-2024. En attendant, plusieurs freins sont à lever, selon elles.
Des freins à lever
“En comptabilité et finance, une des difficultés est que les standards ne sont pas encore établis, ils sont émergents, et le rythme auquel les choses évoluent et progressent est très rapide. La régulation et les questions changent très vite et la connaissance n’est pas stabilisée. Cela rend aussi les pédagogies classiques (un prof qui diffuse sa connaissance aux étudiants) peu opérantes. De tels sujets nécessitent des pédagogies plus actives, où les étudiants sont mobilisés pour produire et développer la connaissance”, témoigne Hélène Löning, professeure de finance et responsable du master “Accounting Finance Management” à HEC Paris.
Certaines écoles regrettent également que “les systèmes d’accréditation des business schools et les classements ne comportent pas de critères portant sur l’inclusion de la durabilité dans les cursus”.
Quand les classements prennent en compte les enjeux de transition écologique, c’est généralement pour souligner le fait que les écoles organisent des événements autour du développement durable. Ce n’est pas suffisant”, estime Agathe Duplessy, membre du collectif Pour un réveil écologique.
Autre point mort : la formation du corps professoral. “Les enseignants ont encore du mal à changer ce qu’ils enseignent, ou du moins à accentuer davantage sur les problèmes de transition écologique”, note la jeune femme. L’étude souligne qu’il est nécessaire d’allouer des moyens supplémentaires, en libérant notamment du temps. “Des intervenants extérieurs, venant par exemple d’entreprises, pourraient également former les enseignants sur les sujets de finance durable qui sont en perpétuelle évolution”, relève Agathe Duplessy.
Vers une évolution des programmes
Pour pallier ces différentes difficultés, le rapport du WWF France et Pour un réveil écologique livre plusieurs solutions, notamment à destination des écoles supérieures. “Elles doivent mettre en place une formation de tronc commun dès la licence pour l’ensemble des élèves. Certaines écoles réalisent par exemple des séminaires avec des fresques du climat”, indique Agathe Duplessy. Une recommandation qui s’inscrit dans la lignée du rapport de Jean Jouzel de 2022, intitulé “Sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans l’enseignement supérieur”. Celui-ci appelait à “intégrer la transition écologique dans les enseignements déjà existants, avec l’objectif d’y former 100% des étudiants de niveau Bac+2, quel que soit leur cursus, d’ici à cinq ans.”
En master, les formations doivent également tendre vers une intégration transversale de la finance durable dans les cursus en finance. C’est notamment le cas à HEC Paris, comme en atteste Hélène Langlade, 23 ans, tout juste diplômée de la Grande école d’HEC, dans la majeure Accounting and Financial Management.
Je pense qu’HEC fait un effort pour faire évoluer les programmes et y intégrer la transition écologique. Nous évoquons aussi le sujet de façon plus transversale dans différents cours, par exemple le reporting environnemental en comptabilité, les instruments financiers verts (ex green bonds) en finance d’entreprise, ou encore les évolutions dans la stratégie des entreprises (neutralité carbone, SDGs...).”
Si l’ancienne étudiante est plutôt satisfaite de sa formation, elle regrette toutefois que la plupart des informations sur le thème de l’écologie soient apportées par des professionnels en entreprise. “Bien que leur perspective de praticien soit enrichissante et pertinente pour notre future carrière, je pense que des chercheurs ou experts indépendants peuvent apporter un point de vue critique et du recul sur les questions de durabilité, estime-t-elle avant d’ajouter : La transition écologique est souvent abordée par les entreprises avec la perspective de concilier écologie et croissance, là où d’autres acteurs proposent des alternatives plus radicales telles que la décroissance ou un changement de modèle. Il serait intéressant de pouvoir écouter tous les points de vue de façon plus équilibrée.”
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