Souba Manoharane-Brunel, consultante en stratégie RSE, investisseuse et fondatrice des Impactrices.
© Laurent Hazgui
Inspirations

Souba Manoharane-Brunel : "Si les femmes ne sont pas aux tables de décision, elles seront au menu"

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Entrepreneuse écoféministe, Souba Manoharane-Brunel tente aujourd’hui de promouvoir la place des femmes et de la diversité dans la transition écologique, notamment à travers l’association Les Impactrices qu’elle a co-fondée en 2017. Une mission qu’elle juge "d’autant plus nécessaire" à l’heure de la montée des extrêmes. Portrait. 

A 37 ans, Souba Manoharane-Brunel est sur tous les fronts. Consultante en stratégie RSE et DIE (Diversité, inclusion, équité) au sein de sa société The Smile Society, la jeune femme investit également son argent en tant qu’investisseuse pour des projets de transition énergétique en France et en Inde – le pays d’origine de ses parents.

Celle qui aime se définir comme une entrepreneuse et une activiste pour le climat est aussi à la tête des Impactrices – une association écoféministe qui vise à promouvoir la place des femmes dans la transition écologique. "Si les femmes ne sont pas aux tables de décision, elles seront au menu", martèle-t-elle. 

Une soif de justice et d’équité qu’elle nourrit depuis ses premiers pas en école de commerce, en 2006. Née en banlieue parisienne au sein d’un environnement "multiculturel", la bachelière découvre une autre réalité. "Dès la fin de la première semaine, je ne me suis pas sentie à ma place", se souvient-elle.  

Le choc des cultures 

Ce décalage est encore plus palpable lorsqu’elle réalise son premier "business case". "Notre professeur a séparé la classe en cinq groupes et nous a donné la consigne d’élaborer une stratégie pour réaliser le meilleur chiffre d’affaires. Sur le tableau, il y avait une carte du monde avec les coûts de production, d’exploitation...Dans mon groupe, j’étais la seule femme, non blanche et sans particule dans mon nom", sourit-elle avant d’ajouter : "j’y ai vu une métaphore du monde dans lequel on vit. Mes camarades étaient dans une démarche très pragmatique et matérialiste d’exploitation des ressources des pays du Sud global. J’étais sidérée surtout quand je voyais sur la carte qu’un des pays exploités, c’était l’Inde."

Quelques semaines plus tard, l’étudiante réussit toutefois à trouver un "sens" à ses études lorsqu’elle réalise un projet d’école sur le thème de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), et plus particulièrement sur la norme ISO 14001.

"J’ai trouvé quelque chose qui me permettait d’allier mon intérêt pour l’économie à ma sensibilité à l’environnement, qui est liée à ma culture indienne. La nature y a une place centrale. Contrairement aux pays occidentaux, l’humain et le vivant ne sont pas séparés dans l’hindouisme. Ils font partie d’un tout. J’ai grandi avec cette vision", confie-t-elle. 

Souba Manoharane-Brunel, entrepreneuse et fondatrice des Impactrices.
© Ilay Maraina

Pour une diversité de voix 

Après ce déclic, Souba Manoharane-Brunel décide d’entamer une alternance dans ce domaine au sein d’une multinationale de l’industrie - dont elle préfère taire le nom. Une fois son diplôme en poche, elle poursuit son parcours professionnel dans la même entreprise, et grimpe les échelons.

En 2011, elle devient la plus jeune directrice RSE à entrer dans le comité de direction de son groupe. Rapidement, elle découvre qu’elle est aussi la seule femme "non blanche" à la table...

Six ans plus tard, un nouvel élément déclencheur la pousse à changer de voie. Alors qu'elle attend son premier enfant, elle se plonge dans la lecture des rapports du Giec, et réalise qu'elle veut aller encore plus loin dans son engagement. "J’ai pris encore plus conscience de l’urgence climatique, et de la nécessité de trouver des solutions pour être à la hauteur du plus grand défi de l’humanité", raconte-t-elle.  

Après son congé maternité, la directrice RSE prend la décision de quitter le poste qu’elle occupe depuis quatorze ans pour se lancer dans l’entrepreneuriat, en tant que consultante RSE/DEI et investisseuse privée. Dans la foulée, elle co-fonde également l’association Les Impactrices avec un objectif clair, celui d’accélérer la représentation des femmes dans les instances décisionnaires. 

Démocratiser les enjeux de genre et climat 

"Si les solutions et les narrations se font sans nous, la transition écologique se fera contre nous. Nous avons aujourd’hui besoin d’une diversité de voix aux tables de décision pour que les discours soient connectés à la réalité de la majorité de la population", défend-elle.  

Depuis 2017, Les Impactrices tente de répondre à cet enjeu en mettant en lumière les parcours de femmes et d’expertes, mais aussi en organisant des événements, à l’image du festival annuel du Printemps des Impactrices, ou encore la Journée internationale des femmes d’impact. 

L’association a également co-créé, avec GCC-CliMates, la Fresque de l’écoféminisme - un atelier d’intelligence collective de 3h inspiré de la Fresque du Climat.   

"Depuis 2017, mon objectif dans toutes mes activités entrepreneuriales, c’est de comprendre et de former sur les trois mots/maux à la racine de l’urgence climatique, à savoir le colonialisme, le patriarcat et le capitalisme afin de trouver des solutions à la hauteur du défi”, souligne la fondatrice. 

Ce travail de démocratisation des enjeux de genre et climat trouve un écho tout particulier à l’heure de l’investiture de Donal Trump et de la montée des extrêmes. "Face à la fascisation du monde, nous avons vraiment besoin de mobiliser toutes les forces progressistes possibles", lance-t-elle.