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Finance durable

"Pour les CGP, la difficulté liée à la construction d’une allocation est corrélée au niveau d’exigence du client"

Directement touchés par l’entrée en vigueur d’une série de réglementation encadrant l’investissement durable, les conseillers en gestion de patrimoine doivent faire preuve de pédagogie envers leurs clients, tout en se formant eux-mêmes aux enjeux ESG, explique dans cet échange Karen Fiol, vice-présidente de la Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (CNCGP). 

Les CGP ont de nouvelles obligations en matière de prise en compte des préférences ESG de leurs clients. Comment s’adaptent-ils à cette nouvelle donne ? 

Les CGP savent que la transition énergétique est importante, et que pour la financer, l’épargne des Européens sera mobilisée. Ils ont dû s’adapter à de nombreuses réglementations par le passé et continuent aujourd’hui à s’y employer afin d’accélérer la prise en compte de critères environnementaux et sociaux dans leurs allocations. Ce qui est difficile avec l’investissement responsable, c’est que malgré l’effort, notamment à l’échelle européenne, de mettre en place des critères scientifiques via la taxonomie, cela reste un domaine teinté par les avis personnels de chacun. Pour les aider à bien expliquer l’essence de la finance durable à leurs clients et à quoi ils doivent s’attendre en investissant dans des fonds durables au sens large, nous les encourageons à passer l’examen AMF de finance durable, en plus des formations initiées par la CNCGP.  

Le règlement SFDR et sa classification des fonds durables sous l’appellation article 8 et article 9 aide-t-il les CGP à proposer une allocation durable ?  

Le fait qu’un fonds soit classé article 8 ou 9 est une indication, mais SFDR n’est pas un label. Il ne prévoit pas de définition claire de ce qu’est un investissement durable, et n’impose pas d’exigence minimale. Chaque société de gestion a une approche singulière. Avant de conseiller ces produits à leurs clients, les CGP doivent étudier la politique globale de la société de gestion, puis du fonds, pour déterminer s’il est compatible avec les objectifs patrimoniaux, le profil de risque et de questionnaire de durabilité de leurs clients. L’AMF a proposé en février dernier des critères minimaux pour les fonds article 8 et article 9, avec notamment une proportion minimale d’alignement avec la taxonomie européenne. Pour les CGP, la mise en place de ces mesures serait une très bonne chose. 

La réglementation, notamment Mif 2, met l’accent sur les risques en matière de durabilité. Les clients sont-ils aujourd’hui conscients de ces risques ? 

Ils comprennent parfaitement que si une entreprise évolue dans un secteur particulier, par exemple les énergies fossiles ou les industries très émettrices de gaz à effet de serre, elle sera exposée à des risques particuliers, notamment réglementaires. Ils sont aussi très sensibles aux risques sociaux. Pour les CGP, la difficulté liée à la construction d’une allocation est corrélée au niveau d’exigence du client. Pour certains critères, comme l’exclusion des entreprises qui font travailler des enfants, ou du secteur des armes controversées, c’est très simple. Pour d’autres, comme par exemple la volonté de financer directement des projets contribuant à la transition énergétique, il y aura un univers d’investissement plus restreint et il faudra être vigilant quant à la bonne diversification du portefeuille. 

 

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