Même la Banque postale (LBP), bonne élève en matière de lutte contre le réchauffement climatique, ne l'a pas sur son étagère. La banque publique n’a d'ailleurs "pas prévu à date" d'en faire commerce.
"C’est un produit complexe avec un potentiel de marché réduit", explique de son côté le Crédit Mutuel Alliance fédérale. Axa France "ne proposera pas de PEAC à court terme", tout comme le Crédit Agricole et la Société Générale.
Si les réponses sont claires, la gène sur le sujet est palpable pour un secteur accusé de ne pas faire le nécessaire pour contrer le réchauffement climatique. Il se trouve face à un dilemme: ignorer ce nouveau produit entraîne un risque d'image, s'en emparer est synonyme de coûts de développement importants, pour un marché jugé restreint.
"C'est une usine à gaz qui va coûter une fortune et il n’y a pas de demande", soupire un banquier. "On n'a pas besoin d’un outil comme ça", persifle un autre, "c’est la solution qui cherche son problème". Le spécialiste des institutions financières au sein de l'ONG Reclaim Finance Paul Schreiber n'est pas surpris de "l’absence de volonté proactive" des acteurs financiers sur le sujet.
Mais il ne regrette qu'à moitié le retard à l'allumage d'un produit à la "contribution potentielle à la transition (...) très marginale (...) qui vient se substituer à des mesures qui pourraient être beaucoup plus structurantes".
Dans les tuyaux
Le PEAC, issu de la loi industrie verte, est destiné à financer des projets bas carbone. Officiellement lancé le 1er juillet dernier, il s'adresse aux parents désireux de mettre de l'argent de côté pour leurs enfants.
"C’est plutôt un produit qui ressemble à un livret mais tout en ayant une architecture qui est assurantielle", explique à l'AFP le président du Cercle de l'épargne Philippe Crevel. A l'image d'un Livret A, ce placement est plafonné à 22.950 euros, et ses gains ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ni aux prélèvements sociaux.
Mais comme sur un Plan d'épargne retraite (PER), le capital, non garanti, est bloqué dans le temps - jusqu'à la majorité du titulaire - et l'investissement se fait pour partie dans différents supports d'investissement, labellisés par exemple Greenfin ou ISR, pour investissement socialement responsable.
Pour aller plus loin : "L'ISR sur les principales classes d'actifs"
Le rendement est censé varier en fonction des acteurs à même de le distribuer (banquiers, assureurs...) et être supérieur à celui du Livret A, selon le ministre de l'Economie de l'époque, Bruno Le Maire.
Deux groupes bancaires ont indiqué à l'AFP que le plan d'épargne avenir climat était chez eux en préparation. "Nous étudions actuellement les conditions d’un lancement de cette offre pour nos clients de moins de 21 ans", indique une porte-parole de BNP Paribas.
Le groupe BPCE annonce quant à lui que le PEAC sera lancé en avril dans les deux réseaux Banque populaire et Caisse d'épargne. Leurs concurrents "n’auront pas le choix" de s'aligner, "mais il attendent", estime un expert de l'assurance, évoquant les forces politiques actuelles contraires à la lutte contre le réchauffement climatique. Plusieurs banquiers interrogés refusent de faire ce lien et se défendent en listant leurs produits "verts" déjà existants.
Des oubliettes pleines
Les initiatives politiques de lancement de nouveaux livrets sont fréquentes, et la plupart font flop. Difficile de se faire une place dans un marché dominé par le Livret A, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) et les assurances vie, qui concentrent à eux trois pas moins de 2.500 milliards d'euros.
En octobre 2024, l'ancien Premier ministre Michel Barnier avait par exemple évoqué un nouveau produit d’épargne en faveur de l'industrie. Le mois suivant, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2025, cinq amendements proposaient la création d’un livret de souveraineté agricole.
Ils ont rejoint dans les oubliettes le livret de développement des territoires, déposé au Sénat en mars 2021, et le livret d’épargne "défense souveraineté", voté en 2023 avant d'être retoqué par le Conseil constitutionnel.
Avec AFP.