Les Français privilégient-ils la sécurité de leur épargne sur sa potentielle rentabilité ? Et quels sont les freins qui subsistent vis-à-vis de l’épargne responsable ? Ce sont les questions sur lesquelles s’est penchée une vaste étude sur le rapport des Français à l’épargne responsable, commandée par le label ISR. Un label qui, malgré un nouveau cahier des charges plus exigeant, peine encore à se faire du connaître du grand public. Décryptage avec Michèle Pappalardo, présidente du comité du label ISR.
L’étude sur le rapport des Français à l’épargne responsable met en lumière leur attrait marqué pour les livrets d’épargne réglementés, puisque plus de 80 % des sondés en détiennent un. Est-ce que c'est culturel ?
Oui, je pense que c’est culturel. Mais c’est surtout assez logique. En général, les livrets réglementés sont les premiers produits d’épargne que l’on détient. Fiscalement, c’est intéressant, ça n’est pas compliqué à utiliser, c’est fluide... Il y a tous les éléments pour que ça marche. C’est donc à la fois culturel et pas idiot ! Et l’usage des fonds du livret A correspond, normalement, à ce que souhaitent faire les Français avec leur épargne, à savoir servir l’intérêt général. L’étude met en avant le fait que les épargnants sont sensibles à la manière dont leur argent est utilisé, et c’est là tout l’enjeu de notre positionnement : nous voulons que les Français puissent faire des placements alignés avec leurs valeurs.
Quels sont les freins à l’investissement responsable qui subsistent aujourd’hui, en 2025 ?
D’une manière générale, les Français n’ont pas une culture économique et financière très développée, ça aussi c’est quelque chose de culturel. Ils ne savent pas toujours comment s’y prendre. C’est aussi l’une des raisons qui expliquent le succès des livrets réglementés : ils donnent l’impression d’aller dans le bon sens sans risquer de perdre de l’argent. Ceux qui ont un patrimoine important savent comment s’y prendre, mais pour ceux qui ont une épargne plus modeste, c’est plus compliqué. Ils n’ont pas toujours le réflexe de solliciter leur conseiller bancaire ou un conseiller financier. D’autant que, jusqu’à récemment, les conseillers étaient très peu formés sur les sujets de finance durable. Les personnes qui voulaient investir au-delà de leur livret se voyaient souvent proposer une assurance-vie.
Grâce au label ISR, (les épargnants) pourront soutenir des entreprises qui ont un impact positif sur les problématiques actuelles telles que l’environnement, la biodiversité ou les enjeux sociaux et sociétaux.
Pour nous, l'enjeu consiste à expliquer ce qui existe et à fournir des moyens simples pour permettre aux épargnants d'investir dans des fonds qui correspondent à leurs valeurs. Mais ça ne peut pas se faire en parlant uniquement aux épargnants, il faut qu’il y ait de la formation chez les conseillers financiers. C’est une action collective dont chacun est convaincu de l’intérêt. La force du label ISR c’est de fournir une réponse simple : ça ne répond pas à toutes les questions mais, quand on investit dans un fonds labellisé, on sait qu’il y a un cahier des charges précis et donc on sait ce qu’on finance. Bien sûr, il y a un peu de défiance, c’est normal. C’est avant tout lié à une méconnaissance : quand on ne connaît pas, on se méfie. D’où l’effort supplémentaire d’information qui est nécessaire, pour que les gens puissent faire leurs choix en toute connaissance de cause. C'est ce qu’on essaye de faire depuis trois ans, et c’est pour ça qu’on a changé un certain nombre de choses sur le référentiel. Nous voulons renforcer la confiance dans le label.
L’un des objectifs de cette réforme du label ISR était donc d’attirer davantage le grand public ?
Oui, notre objectif initial était d’augmenter l’exigence et donc la confiance. Cela a entraîné une baisse de 28 % des fonds labellisés au 1er janvier 2025, par rapport à 2024, mais les fonds qui sont restés sont ceux qui correspondaient réellement au niveau d’exigence que l’on souhaitait mettre en place, ou qui se sont transformés pour s’y conformer. Et depuis, le nombre de fonds labellisé est reparti à la hausse : on est passé de 930 fonds en mars 2025 à 1 008 au 31 août 2025. Donc, contrairement à ce qu’on entend parfois, les gestionnaires de fonds continuent de créer des fonds exigeants, en phase avec le nouveau référentiel du label ISR.
C’est aussi l’objectif de la campagne de communication que nous allons lancer à destination du grand public et qui aura pour slogan "Changez le monde, pas vos ambitions". Nous voulons interpeller les épargnants, leur expliquer qu’ils peuvent s’engager pour l’intérêt général en investissant dans des fonds labellisés, tout en les informant sur le fait que le cahier des charges a été modifié pour répondre à un niveau d’exigence plus élevé. Grâce au label ISR, ils pourront soutenir des entreprises qui ont un impact positif sur les problématiques actuelles telles que l’environnement, la biodiversité ou les enjeux sociaux et sociétaux.
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On entend parfois que les investissements responsables sont peu performants. Est-ce qu’on peut faire rimer durabilité et rentabilité ?
Bien sûr. Quand on compare les performances des fonds dits responsables, au sens large, avec celles des fonds classiques, on s’aperçoit qu’il n’y a pas de différence notable de rentabilité sur le moyen et le long terme. Les études qui ont été faites sur le sujet montrent même une légère surperformance. Alors évidemment, ce n’est pas sur cet aspect que nous voulons communiquer en priorité, les performances peuvent fortement varier d’un fonds à l’autre. Il faut bien comprendre que le label ISR assure un certain usage de l’épargne, pas sa rentabilité. Mais, d’une manière générale, les investissements responsables ne sont pas plus risqués que les investissements classiques.
D’ailleurs, l’étude montre que ce qui intéresse en priorité les Français, ça n’est pas la rentabilité. Ils veulent avant tout être sûrs qu’on ne leur raconte pas des histoires sur la façon dont sera utilisé leur argent. Et c’est ce que le label ISR garantit.