Delphine de Chaisemartin, directrice générale adjointe de l’AFG.
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Finance durable

"La priorité, c’est l’introduction d’un socle d’éducation financière dès l’école"

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À l’occasion de la publication d’une enquête nationale sur la relation des Français à l’épargne et à l’investissement, ID a rencontré Delphine de Chaisemartin, directrice générale adjointe de l’AFG, pour analyser les résultats de l’étude et décrypter les enjeux liés à l’éducation financière.

Selon une enquête menée par l’Association Française de la Gestion financière (AFG) et le cabinet ELABE, 70 % des Français estiment avoir une faible éducation financière. Un chiffre révélateur, mais qui ne traduit pas un désintérêt pour le sujet : toujours selon l’étude, une large majorité exprime au contraire le souhait de mieux comprendre les mécanismes de la finance, afin d’orienter plus efficacement leur épargne vers des objectifs concrets comme l’achat immobilier ou la préparation de la retraite. Toutefois, ils estiment manquer d’information, d’accompagnement et d’éducation en la matière. 

ID a échangé sur ces enseignements lors d’un entretien avec Delphine de Chaisemartin, directrice générale adjointe de l’AFG, accompagnée d’Eric Pinon, président d’honneur, et de Thomas Valli, directeur des études économiques.

Pourquoi avoir lancé cette étude nationale sur l’éducation financière des Français, et en quoi s’inscrit-elle dans la stratégie de l’AFG ?

L’AFG a structuré son engagement en faveur de l’éducation financière avec la création, en 2024, d’un Club dédié présidé par Eric Pinon et piloté par Thomas Valli, Directeur des études économiques réunissant plusieurs sociétés de gestion membres. Dès le départ, nous avons souhaité construire une feuille de route ambitieuse. Mais pour agir efficacement, il nous fallait d’abord mieux comprendre les attentes et les besoins des Français en matière d’éducation financière.

Le véritable risque, sur la durée, est souvent de ne rien faire : laisser ses liquidités dormir sur un compte courant ou sur un livret faiblement rémunéré, c’est s’exposer à une érosion lente mais certaine de son pouvoir d'achat.

C’est dans cet esprit que début 2025, nous avons décidé de confier à un institut de sondage reconnu la réalisation d’une enquête nationale. Cette étude constitue le socle de notre réflexion et de nos futures actions.

Quels sont, selon vous, les principaux freins identifiés par l’étude qui empêchent les Français d’adopter une stratégie d’investissement à long terme ?

Le frein principal est sans surprise le manque de culture financière, reconnu spontanément par 7 Français sur 10. Ce déficit se traduit par une difficulté à évaluer ses besoins, à comprendre les produits d’épargne et à accepter une part de risque, pourtant nécessaire dans une perspective de long terme.

Or, paradoxalement, le véritable risque, sur la durée, est souvent de ne rien faire : laisser ses liquidités dormir sur un compte courant ou sur un livret faiblement rémunéré, c’est s’exposer à une érosion lente mais certaine de son pouvoir d’achat. Les Français expriment de plus en plus ce besoin d’accompagnement vers des solutions d’épargne longue. Disposer d’un capital ou d’un complément de revenu, grâce à son épargne, est un motif qui devient prioritaire selon les âges.  

L’étude met en évidence un fort déficit d’éducation financière. Quelles actions concrètes devraient être mises en place pour améliorer les connaissances des Français en matière d’épargne et d’investissement ?

La priorité, c’est l’introduction d’un socle d’éducation financière dès l’école. Cette demande est plébiscitée par 80 % des 18-24 ans, preuve qu’ils ont pleinement conscience que la maîtrise des notions économiques de base est essentielle à leur autonomie. L’éducation financière est en ce sens un levier d’inclusion. L’AFG est membre de la stratégie nationale d’éducation économique, budgétaire et financière pilotée par la Banque de France sous l’égide du ministère de l’Économie et des Finances et de celui de l’Éducation Nationale. Des expérimentations existent dans les collèges via le dispositif pédagogique "Passeport EducFi". Cette initiative ponctuelle devrait s’étendre tout au long du parcours scolaire.

L’enjeu est de sensibiliser dès le plus jeune âge, en s’appuyant sur des situations de la vie quotidienne, pour donner à chacun les clés de ses futurs choix économiques.

Ensuite, il s’agit de mieux valoriser les contenus existants, souvent trop dispersés ou peu visibles. Il faut donner à chacun les réflexes de base pour identifier les bonnes sources d’information, comprendre les mécanismes de l’épargne et éviter les pièges. Cela passe par une approche pédagogique, accessible et adaptée aux différents publics. Dans le cadre de la stratégie nationale, l’AFG travaille actuellement au développement d’un simulateur pédagogique sur la performance des placements financiers. L’étude montre que 66 % des 18-24 ans s’informent par les supports modernes et interactifs (vidéos, tutoriels, applications mobiles, simulateurs).

65 % des Français (et jusqu’à 80 % chez les jeunes) souhaitent que l’éducation financière soit enseignée à l’école. Comment pourrait-on intégrer ces notions de façon efficace dans les parcours éducatifs ?

Il est tout à fait possible d’introduire progressivement des notions simples et concrètes dans les programmes scolaires : gérer un budget, comprendre l’épargne, les intérêts composés, l’inflation ou encore le fonctionnement des placements financiers.

L’enjeu est de sensibiliser dès le plus jeune âge, en s’appuyant sur des situations de la vie quotidienne, pour donner à chacun les clés de ses futurs choix économiques.

Face à cette prise de conscience et aux attentes exprimées, quels leviers prioritaires devraient être activés (par les pouvoirs publics comme par les acteurs privés) pour encourager l’investissement à long terme ?

Plusieurs leviers peuvent être mobilisés :

- Intégrer des repères clés dans les programmes scolaires, pour ancrer tôt les réflexes d’autonomie financière ;

- Déployer des outils pédagogiques accessibles et attractifs, notamment en ligne, en lien avec les parcours de vie (études, premier emploi, projets familiaux...) ;

- Renforcer les coopérations entre acteurs publics et privés, pour proposer une information cohérente, fiable et adaptée à tous les publics.

L’enjeu est collectif : il s’agit de redonner confiance dans l’investissement à long terme, au service de projets individuels mais aussi de notre économie.