Pouvez-vous présenter votre association et les acteurs impliqués dans cette initiative ?
L'association Dividendes Climat est une association d'intérêt général à but non lucratif dont la mission est d'encourager le financement de la transition écologique au sens large. Nous mettons l'accent sur l'utilisation, la compréhension et la valorisation des mesures d'impact par les mécanismes de financement et le système financier. Notre premier objectif est d'encourager l'investissement en capital dans des solutions contribuant à la neutralité carbone, via le développement d'un indicateur appelé "dividende climat". L'association a été cofondée par l'ADEME, Mirova, Time for the Planet, 2050, Sweep et Kanopee Partage.
Aujourd’hui, les entreprises sont plutôt évaluées sous le prisme de leur impact négatif, sans mesure de leur utilité sociétale."
Comment fonctionnent les dividendes climat ?
L’idée du dividende climat reprend la logique d’un dividende financier, qui est une preuve de création de valeur économique distribuée aux actionnaires. Dans le cas des dividendes climat, on cherche à montrer la création de valeur climatique : un dividende climat distribué à un actionnaire représente une tonne de CO2 évitée ou séquestrée par une entreprise. Par exemple, une société produisant des panneaux solaires a certes une empreinte carbone et un impact négatif, mais elle aide aussi ses clients à se décarboner via ses solutions. Aujourd’hui, les entreprises sont plutôt évaluées sous le prisme de leur impact négatif, sans mesure de leur utilité sociétale. L’idée des dividendes climat est de rendre beaucoup plus mesurable et tangible cette contribution climatique et de distribuer une preuve aux actionnaires.
Comment une entreprise peut-elle émettre des dividendes climat ?
Tout d'abord, une entreprise doit vérifier son éligibilité en reconnaissant son empreinte négative et en ayant un plan de transition crédible validé par la science. L’idée n’est pas de parler de ce que l’on fait de “bien” sans avoir conscience de ce que l’on fait de “mal”. Les entreprises éligibles mesurent ensuite leurs émissions de CO2 évitées ou séquestrées selon une méthode qui doit être conforme au protocole développé par l’association Dividendes Climat, et ces calculs sont vérifiés par un tiers indépendant. Ces émissions évitées (ou séquestrées) vérifiées sont converties en dividendes climat et distribuées aux actionnaires.
Quels sont leurs objectifs ?
Les dividendes climat ont deux utilités principales. D'abord, ils fournissent un indicateur extra-financier standardisé, transparent et fiable sur la contribution climatique des entreprises. Ils viennent en complément des indicateurs d'impact négatif classiques et permettent notamment de faire des comparaisons et de prendre des décisions éclairées à la fois chez les investisseurs et les entreprises. La deuxième valeur ajoutée est de reproduire un mécanisme que les financiers connaissent bien, avec une approche de création de valeur plus facilement intégrable dans une logique financière. À terme, l’ambition est que des entreprises puissent être mieux valorisées en raison de leur impact climatique positif.
Les dividendes climat ne se traduisent donc pas par une distribution de cash aux actionnaires…
Non, ils mesurent ce que l’on pourrait appeler du "profit climatique" et distribuent une preuve tangible de cette création de valeur climatique, aujourd’hui sous forme de certificat, et potentiellement sous forme de tokens à l'avenir.
Les méthodologies de calcul des émissions évitées sont-elles aujourd’hui assez standardisées pour avoir des indicateurs comparables d’une entreprise à une autre ?
Il y a un gros besoin de standardisation qui n’est pas satisfait à date, même s’il y a de plus en plus de progrès dans ce domaine, notamment à l’échelle internationale. Notre approche consiste à avoir un protocole avec des règles génériques, puis de le décliner sectoriellement en utilisant des cadres existants ou en collaborant avec différents acteurs pour assurer une méthodologie partagée, standardisée et transparente. Grâce à ce protocole et au process de génération et distribution des dividendes climat, nous garantissons que la standardisation et le sérieux des calculs d’émissions évitées permettent d’émettre des dividendes climat.
L’idée n'est pas que le dividende climat soit l’arbre qui cache la forêt (...)"
Combien d’entreprises distribuent des dividendes climat aujourd’hui ?
Actuellement, nous travaillons autour de deux axes : d’une part la reconnaissance globale de l’initiative et son intégration dans les cadres de reporting, et d’autre part son déploiement sur le marché. Cette année, une quarantaine d’entreprises expérimentent l’indicateur, contre 13 en 2023. Cela va de la start-up à de grands groupes, et notre ambition est d’avoir une centaine d’entreprises distribuant des dividendes climat en 2025. Il y a un historique français, mais l’initiative a une visée internationale, avec des participants au Canada, au Luxembourg ou encore en Allemagne.
Cet indicateur peut-il être regardé seul ?
L’idée n'est pas que le dividende climat soit l’arbre qui cache la forêt et il est nécessaire de continuer à regarder des indicateurs comme l’empreinte carbone mais également le montant investi ou le chiffre d’affaires. Mais il est important de valoriser les nouvelles activités plus vertes et décarbonées au travers d’indicateurs adaptés. Nous travaillons actuellement avec un groupe de financiers et d’expert.e.s. pour proposer des indicateurs et méthodes reposant sur les dividendes climat afin de permettre de piloter et d’encourager le développement d’activités décarbonantes et l’investissement dans celles-ci.
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