Dans l'univers de la finance durable en perpétuelle évolution, le label de l'investissement socialement responsable (ISR) n'avait presque pas bougé depuis 2016, étant de plus en plus critiqué pour sa perméabilité à l'éco-blanchiment. Ses responsables avaient ainsi reconnu en juillet 2022 "des faiblesses".
Près de 18 mois ont été nécessaires pour la rédaction d'une proposition de 55 pages, soumise aux acteurs financiers avant de l'être, pour approbation, au ministère de l'Economie. Ce long processus n'est pas allé sans tensions, avec le désengagement fin mars du Forum pour l'investissement responsable (FIR), un acteur important de la place financière parisienne.
Sur le plan climatique, il ne sera plus possible d'obtenir le label si le portefeuille est composé d'entreprises dont 5% au moins de l'activité dépend du charbon ou des hydrocarbures non-conventionnels (gaz de schiste, sables bitumineux, exploration de l'Arctique...) ou qui investissent dans de nouveaux projets liés à ces secteurs.
Ces mesures "augmentent significativement la crédibilité du label", apprécie Lara Cuvelier, en charge des campagnes d'investissement durable pour l'ONG Reclaim Finance. Sont ainsi exclus de fait les grandes majors pétrolières, dont TotalEnergies, même si, investir dans le secteur des énergies fossiles conventionnelles n'est pas rédhibitoire.
Le seuil de 5% de l'activité s'applique aussi au tabac, un critère jugé "pas satisfaisant" par l'Alliance contre le tabac, qui réclame une "exclusion stricte".
Les critères d'attribution reposent également sur la sélection d'entreprises un peu plus vertueuses. Les notes attribuées aux entreprises en matière d'engagements environnementaux, sociaux et de gouvernance, devront être révisées chaque année.
"Double matérialité"
Le label demande également aux gérants d'actifs de détailler leur "analyse des plans de transition climatique" des entreprises qui composent leurs portefeuilles. Ils devront aussi préciser de quelle manière ils entendent dialoguer avec ces entreprises pour qu'elles respectent leurs engagements.
En outre, un fonds tourné uniquement sur des considérations environnementales ne pourra pas obtenir la certification, les dimensions sociales et de gouvernance devant être également détaillées.
L'ISR révisé introduit la notion de "double matérialité", autrement dit, l'impact de l'activité des entreprises sur l'environnement et l'effet de l'environnement sur leur valeur financière. Ces exigences "sont assez légitimes et font utilement le lien avec la règlementation européenne", estime Héléna Charrier, responsable des solutions ISR de La Banque Postale AM.
Un temps évoquée, la possibilité de créer plusieurs niveaux de labellisation a été écartée. "Nous souhaitons pouvoir disposer d'un véritable 'socle ISR' solide, qui pourrait notamment servir de références à d'autres déclinaisons du label, plus thématiques ou encore plus exigeantes", a expliqué la présidente du comité Michèle Pappalardo.
Au 31 mars 2023, près de 1.200 fonds représentants 773 milliards d'euros avaient reçu ce label qui espère valider les premiers fonds régis par les nouveaux critères à compter du 1er janvier 2024.
Avec AFP.