Les indicateurs d'impact environnemental se multiplient.
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Finance durable

La décarbonation des PME, nouvelle marotte des fonds d'investissement

Actionnaires de profession, les fonds d'investissement mettent volontiers en avant le rôle qu'ils jouent dans la décarbonation des entreprises, PME en tête, qu'ils achètent et revendent, certains en faisant même le coeur de leur stratégie.

Le capital-investissement, spécialisé dans les entreprises non cotées, veut "jouer son rôle", souligne à l'AFP Claire Chabrier, présidente de l'association française de référence du secteur France Invest. "C'est une évidence aujourd'hui que quasiment toutes les entreprises vont devoir" faire évoluer leur modèle économique afin de réduire leur impact environnemental, reprend-elle.

Les fonds de capital-investissement sont a priori bien placés pour les y accompagner: ils investissent à eux tous dans 7.600 entreprises, soit 5% des 148.000 petites et moyennes entreprises (PME) françaises. A l'échelle de l'UE, les 23 millions de PME représentent environ la moitié du PIB européen et 63% des émissions de CO2 des entreprises européennes, selon une étude de la Commission européenne. Elle souligne que "72% des PME n'ont pas (encore) de stratégie concrète pour réduire leur empreinte carbone" afin d'atteindre la neutralité carbone.

Soumises à moins de règles que les entreprises cotées, et souvent moins bien dotées en moyens humains et financiers que les grands groupes, les PME sont moins engagées dans des démarches de transition énergétique et environnementale.

Des efforts qui payent

La "performance durable" est devenue le credo de Meanings Capital Partners, société d'investissement créée en 2021 après séparation du gérant de patrimoine Meeschaert.

Son président Hervé Fonta affiche comme ambition de placer l'intégralité de son portefeuille d'investissement dans une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre compatible avec l'objectif de l'accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

Revoir les contrats de fourniture d'énergie, faire un inventaire des fournisseurs, chercher à changer la flotte de véhicules, rénover les bâtiments, font partie des actions mises en place dans les entreprises, décrit à l'AFP Sarah Mathieu-Comtois, directrice ESG de Meanings.

Des initiatives qui sont évidemment coûteuses - Meanings n'a pas souhaité donner de chiffres sur ses investissements - mais payantes puisqu'en moyenne le fonds a récupéré 4,3 fois sa mise dans la revente de ses entreprises après plusieurs années en portefeuille.

A l'inverse, si le sujet de l'impact du changement climatique "n'est pas pris à bras-le-corps pendant la période de détention" de capital de l'entreprise par le fonds, il y aura "potentiellement moins d’acheteurs" à la revente, qui risque de se faire à un prix plus bas, souligne Emilie Bobin, associée développement durable de PwC France et Maghreb. En général, des divergences sur la politique ESG (critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance) ne constituent pas un motif pour faire capoter des opérations d'investissement, selon elle.

Un diagnostic, et après ?

Pour les fonds, accompagner des entreprises pour réduire leur bilan carbone nécessite de nouvelles compétences. Plusieurs d'entre eux ont récemment recruté des spécialistes dédiés, comme Sandra Lagumina, ancienne d'Engie et passée par le fonds Meridiam, et Jack Azoulay, ancien directeur de cabinet du ministère de la transition écologique, qui ont tous deux rejoint le fonds européen Argos Wityu.

L'avantage des fonds de capital-investissement est qu'ils permettent "de poser le bon diagnostic" sur le niveau d'émissions carbone des entreprises, souligne Thibaut Hyvernat, PDG de Sterimed, un fabricant d'emballages de produits médicaux qui a accueilli plusieurs fonds à son capital.

Et après ? L'ONG Reclaim Finance, spécialisée dans la finance, demande encore à voir. Si elle se réjouit de l'arrivée des préoccupations ESG dans le secteur, elle craint que les engagements des fonds de capital-investissement se limitent à une mesure des émissions, parfois partielle, et qu'un délai de plusieurs années soit accordé aux entreprises pour commencer à les réduire.

Pour Andrea Hernandez, ingénieure et assistante de campagne chez Reclaim Finance, il faudrait "pousser les entreprises du portefeuille" à abandonner les énergies fossiles et s'assurer qu'elles mettent les moyens pour "commencer dès maintenant à réduire les émissions".

Avec AFP.