La réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis marque un virage décisif dans la trajectoire écologique mondiale. En relançant à marche forcée l’exploitation des énergies fossiles, la première économie du monde tourne le dos aux engagements climatiques pris ces dernières années. Un revirement qui fragilise les équilibres environnementaux et ralentit les investissements durables à l’échelle mondiale.
Karl Zanclan, cofondateur de Qileo - une néobanque en ligne dédiée aux indépendants et aux petites entreprises, engagée pour une économie bas carbone - revient sur cette situation dans un entretien accordé à ID.
Face à la relance des énergies fossiles par les États-Unis, quel levier l'Europe peut-elle activer pour préserver son cap écologique sans perdre en compétitivité économique ?
C’est une vraie tension : d’un côté, les États-Unis relancent massivement les énergies fossiles pour des raisons géopolitiques et économiques. De l’autre, l’Europe essaie de tenir le cap climatique. Pour ne pas décrocher, l’Europe doit jouer sur ses propres leviers : cohérence, innovation, et financement responsable.
Elle peut notamment :
- Mieux flécher les capitaux publics et privés vers des projets à faible empreinte carbone (via la taxonomie verte, la réforme des marchés financiers),
- Soutenir massivement l'innovation climatique (stockage, efficacité énergétique, économie circulaire),
- Et surtout aligner la finance avec les objectifs climatiques, car tant que l’argent continuera de financer les fossiles, les engagements resteront théoriques.
- Renforcer les outils puissants dont nous disposons , comme la taxonomie verte, qui encadre ce qu’est un investissement réellement durable, ou le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF),
Ce que montre Qileo à son échelle, c’est qu’un acteur bancaire peut refuser de financer l’économie fossile tout en restant performant et compétitif. Si les institutions financières européennes adoptaient ce niveau d’exigence, ce serait un levier systémique puissant et une réponse stratégique à la dérive américaine.
Aujourd’hui, la réalité, c’est qu’une grande partie des flux bancaires continue d’alimenter les énergies fossiles et les modèles extractifs.
Comment les banques peuvent-elles accélérer concrètement la réorientation des flux financiers vers des projets véritablement durables ?
Les banques ont un rôle central, presque sous-estimé, dans la transition écologique. Elles ne sont pas neutres : elles orientent l’économie par leurs choix de financement. Aujourd’hui, la réalité, c’est qu’une grande partie des flux bancaires continue d’alimenter les énergies fossiles et les modèles extractifs.
Pour accélérer la réorientation vers des projets durables, trois leviers concrets peuvent être activés :
- L’exclusion claire et immédiate des secteurs les plus destructeurs : notamment les nouveaux projets liés au charbon, au pétrole ou au gaz. C’est exactement ce que recommande le GIEC dans son rapport d’avril 2023, qui appelle explicitement à mettre fin à tout nouveau financement fossile pour rester sous les 1,5 °C.
- La transparence sur l’utilisation des dépôts : les clients – particuliers comme professionnels – doivent savoir ce que finance leur argent. Ce devoir de clarté devrait être une norme, pas une exception.
- La réallocation vers des projets à fort impact social et environnemental, notamment via des mécanismes de scoring alignés sur la taxonomie verte ou les objectifs SBTi (Science-Based Targets).
Le levier sous-exploité, c’est justement celui de la bancarisation durable. Tant qu’on finance les mêmes secteurs avec les mêmes logiques, rien ne change.
Quel rôle les entreprises européennes doivent-elles jouer pour résister à l'influence d'une politique américaine pro-fossile, et comment les banques peuvent-elles les accompagner dans cette démarche ?
Face à une politique américaine pro-fossile, les entreprises européennes doivent incarner une autre voie : celle d’une économie résiliente, sobre et alignée avec les limites planétaires. Cela passe par des choix industriels mais aussi financiers.
Pour aller plus loin : Les 5 tendances de la Finance durable en 2025
Le levier sous-exploité, c’est justement celui de la bancarisation durable. Tant qu’on finance les mêmes secteurs avec les mêmes logiques, rien ne change.
Les banques doivent sortir de leur rôle passif pour devenir de véritables alliées stratégiques de la transition, en excluant les projets fossiles, en soutenant les PME engagées, et en développant des produits bancaires adaptés à cette ambition.
Si une néo banque engagée peut le faire avec cohérence et exigence, les grands acteurs le peuvent aussi à condition d’en avoir la volonté.