Les PME vertueuses s'inquiètent du trop-plein de réglementations en matière de climat.
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Finance durable

Climat: même les PME vertueuses s'inquiètent du trop-plein de réglementations

"On s'essouffle": patron d'une entreprise de granulats naturels pour le BTP, Eric Liglet fait en sorte depuis plusieurs années de l'inscrire dans une démarche durable, mais a du mal à suivre les évolutions réglementaires.

La CPME, lors une conférence de presse à laquelle M. Liglet participait jeudi, alerte depuis plusieurs mois sur le "tsunami administratif" qui attendrait les petites et moyennes entreprises - déjà soumises à de nombreuses normes - à l'arrivée l'an prochain de la CSRD, directive européenne qui obligera les entreprises de plus de 500 salariés à la publication d'informations sur leur performance sociétale et environnementale.

Même si les entreprises de moins de 250 salariés que représente la CPME ne sont pas directement concernées, elles le seront "par capillarité" selon son président François Asselin, toutes "les parties prenantes" à la chaîne de production ayant à rendre des comptes.

La CPME a fait témoigner jeudi trois chefs d’entreprises déjà engagés dans les démarches environnementales, qui s'inquiètent. Catherine Guerniou est comme l'a dit M. Asselin "la championne des labels".

La patronne de La Fenêtrière, une petite entreprise de fabrication de fenêtres de la région parisienne, les collectionne. Elle-même est "fresqueuse du climat", comme tous ses employés, conseillère environnement au Conseil économique social et environnemental, en charge de la transition écologique à la fédération du bâtiment. Son entreprise est labellisée "Origine France garantie", "Afnor RSE engagé", "Coq vert", "Eclaireur" Bpifrance...

Elle a dû embaucher une alternante en développement durable pour gérer toutes ces obligations, et investira 600.000 euros (pour un chiffre d'affaires de 2,5 millions d'euros) pour mettre son bâtiment aux normes. Elle reconnaît que cet engagement vert donne une "bonne image" à son entreprise, mais pour l'instant elle ne retrouve pas sur ses factures ce qu'elle a dépensé en certifications.

Ce sont des gens qui n'ont pas le temps de descendre sur le terrain. [...] Ils sont très intelligents, mais ont une méconnaissance totale du tissu des PME, pour eux l'entreprise c'est le grand groupe

Elle souhaite aussi "plus de perméabilité" entre les différents labels, rappelant que "la RSE c'est transversal".

Jean-Marc Lebhar, président de l'entreprise de carton alimentaire Lebhar et de la fédération du cartonnage (CAP), qui forme ses adhérents à la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) remarque que 90% des cartons sont recyclés, et qu'ils sont recyclés désormais une trentaine de fois.

"Les gars étaient intéressés"

Mais il s'alarme de nouvelles directives qui imposeraient d'aller "au-delà de 90% de recyclage", et demandent une traçabilité "équivalente à celle des steaks"... "On va manquer d'hommes pour gérer la partie administrative", estime-t-il.

Patron de la "Ligérienne Granulats", M. Liglet a adhéré il y a vingt ans à la "charte environnement des industries extractives": "sur le terrain les gars étaient très intéressés par le score annuel". Depuis deux ans, il s'est lancé dans une démarche RSE. "Pour l'instant je n'ai rien vu de très concret qui boosterait le personnel", assure-t-il.

L'évolution des nouvelles réglementations, notamment la CSRD, est selon lui "beaucoup trop rapide : on s'essouffle à essayer de tout respecter".

Les "cerveaux" de Bercy et de Bruxelles sont montrés du doigt. "Ce sont des gens qui n'ont pas le temps de descendre sur le terrain", pour M. Lebhar. "Ils sont très intelligents, mais ont une méconnaissance totale du tissu des PME, pour eux l'entreprise c'est le grand groupe", remarque Guillaume de Bodard, président de la Commission environnement et développement durable de la CPME.

Celle-ci propose une "pause réglementaire", qui permettrait aux petites et moyennes entreprises de s’adapter à l’ensemble des exigences environnementales. Surtout, François Asselin est favorable à des "test PME", y compris à l'échelon européen, avant toute publication d’un nouveau texte environnemental concernant les entreprises.

Avant de déployer la CSRD, le dirigeant suggère que la CPME propose un échantillon de "50 à 100 entreprises" parmi ses adhérents qui pourraient tester son effet pendant "trois ou six mois". "Et si ça ne fonctionne pas, qu'on ait le courage de revoir la copie", conclut-il.

Avec AFP.