Après 4 semaines sans pouvoir aller en mer, les pêcheurs du golfe de Gascogne ont de nouveau le droit de prendre le large. 300 embarcations de plus de 8 mètres ont été immobilisées cet hiver de la Bretagne à la frontière espagnole. Cette interdiction, promulguée par le Conseil d’État, avait pour objectif la protection des dauphins des côtes atlantiques, menacés de disparition.
Ces cétacés, classés parmi les espèces protégées, sont victimes de la pêche industrielle. Pris au piège dans les immenses filets des chalutiers sans parvenir à se dégager, ils sont chaque année des milliers à périr. Si certaines carcasses viennent s’échouer sur le rivage, rendant visible leur destin, la plupart coulent et se décomposent dans les fonds marins.
Pelagis, l’observatoire des mammifères et oiseaux marins, formé d’équipes du CNRS et de l’université de La Rochelle, estime à 1 450 le nombre de dauphins morts par capture dans l’ensemble du golfe durant l’hiver 2023-2024, la première année durant laquelle les bateaux avaient été retenus plusieurs semaines au port. En comparaison, les hivers de 2017 à 2023 comptabilisaient 6 100 morts en moyenne chaque année.
Cette politique semble donc porter ses fruits, même s’il faut encore attendre la publication des estimations de cet hiver. Toutefois, les bateaux ne pouvant pas rester au port indéfiniment, des ingénieurs ont mis au point un système de répulsion des mammifères marins, appelés pingers.
Obligatoires pour les grands bateaux
De l’onomatopée anglaise "ping", ce dispositif est placé à l’avant des bateaux ou directement sur les filets afin de repousser les cétacés. Il émet des sons entre 10 et 100 kHz, désagréables pour le dauphin. Ces petits objets en forme de cylindre sont aujourd’hui obligatoires pour tous les navires de plus de 12 mètres.
Coûtant environ 150 euros pièce, FranceAgriMer a débloqué en novembre 2023 une enveloppe de 6 millions d’euros afin d’aider les pêcheurs à s’équiper. Mais la littérature scientifique est divisée à leur sujet.
Pour l’Ifremer, l’institut français de recherche dédié à l’océan, le pinger permettrait de réduire de 50 % les captures accidentelles de mammifères marins. D’autres chercheurs avancent que ce dispositif a une portée limitée sur certaines espèces, en particulier les dauphins.
Pour aller plus loin : “L’écologie dans nos assiettes”
En effet, le son des pingers étant désagréable sans être invivable, les dauphins affamés ont tendance à l’ignorer pour tenter de se nourrir des poissons emprisonnés dans les filets. D’autant plus que ce sont des animaux intelligents, dotés de personnalités distinctes. L’éthologue Fabienne Delfour, interrogée par Reporterre, explique que "ce sont des êtres à part entière, avec des vies, des biographies et des personnalités différentes." Un animal moins craintif aura donc plus facilement tendance à s’aventurer proche des chalutiers.
Enfin, de nombreuses associations de défense des animaux marins s’inquiètent de l’amoindrissement de l’aire d’alimentation des cétacés. Éloignés des zones riches en poissons, ils risqueraient d’éprouver des difficultés à se nourrir.
Les pingers ne représentent donc pas une solution pérenne tout au long de l’année. Ils sont particulièrement inefficaces en hiver, lorsque les dauphins se rapprochent des côtes pour se réchauffer. Le meilleur moyen de les protéger lors de cette période reste la restriction de la pêche. Les conséquences sociales et économiques de cette mesure ne sont cependant pas à ignorer, puisque les pêcheurs ne sont rétribués par l’État qu’à hauteur de 85 % de leur chiffre d'affaires et doivent souvent attendre de longs mois avant de toucher la somme due.