Les arrêtés anti-pesticides se multiplient depuis plusieurs semaines en France.
©Google maps/Carte réalisée par ID, L'info durable
Environnement

La carte de France des communes mobilisées contre les pesticides

ID tient à jour une carte évolutive et participative pour suivre la mobilisation des communes engagées contre les pesticides en France. Retour sur cette mobilisation, qui remonte... à 2012 !

Prendre un arrêté municipal pour limiter l’usage des pesticides n’est pas une nouveauté : la première commune à l’avoir fait est Château-Thierry. C’était en juin 2012. Jacques Krabal, alors maire de cette ville de l’Aisne, prenait un arrêté pour interdire "la pulvérisation de pesticides agricoles par engin héliporté dans un rayon de 200 mètres autour des zones habitées" durant la période estivale. Attaqué par le préfet, le Tribunal administratif d’Amiens a cassé l’arrêté peu de temps après. 

Une "manière symbolique d’agir"

En 2016, trois autres communes françaises ont pris des arrêtés du même type : Saint-Jean en Haute Garonne, Balacet en Ariège et Saint-Julien-du-Sault dans l’Yonne. À cette époque, le combat anti-pesticides n’était pas sur le devant de la scène médiatique. Le débat sur leur toxicité existait tout de même et ces petites communes agricoles, particulièrement exposées, déclaraient en subir les effets. 

Pour les maires de Fontoy ou de Florange, communes voisines de Moselle, l’arrêté était déjà, en 2017, une manière symbolique d’agir en constatation de leurs effets néfastes sur la biodiversité ainsi que la santé des habitants. "Chacun sait aujourd'hui les conséquences qu’entraîne la disparition des abeilles et autres pollinisateurs, pour notre biodiversité, nos cultures. Comme médecin, j’ai vu une hausse importante des maladies digestives au cours de ces dernières années", expliquait Henri Boguet, maire de Fontenoy en 2017. À la même période, en Charente, la commune de Ruelle-sur-Touvre prenait son arrêté en réponse à de nombreuses plaintes déposées par les habitants inquiets. Le maire Michel Tricoche, déclarait à France Info : "Ce que j'ai fait là, c'est avant tout pour sensibiliser le monde agricole et les administrés. Ce que je veux, c'est que chacun prenne ses responsabilités et que chacun soit conscient que ce produit est très dangereux."

En 2019, la prise d’arrêtés se généralise 

La distance minimale réglementaire entre les zones d'épandage et zones habitées est devenue le combat anti-pesticides à mener en 2019. Nombre d’agriculteurs, n’envisageaient qu’une bande de 3 à 5 mètres autour de leurs cultures, alors que les maires, à l’instar de Daniel Cueff, élu de Langoüet en Bretagne, défendaient une distance bien plus importante. Dans son arrêté pris en mai 2019, la commune bretonne a proposé une interdiction d’épandage à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment d'habitation ou professionnel, envisageant un abaissement à 100 mètres sous certaines conditions. Cet arrêté est devenu l’"arrêté type", mis à disposition des communes souhaitant s’engager. Il sera repris une centaine de fois. 

L’arrêté a été suspendu par le Tribunal administratif de Rennes le 27 août 2019. Daniel Cueff a fait appel de cette décision le 24 décembre : "Manifestement (le gouvernement) reste sur ce qu’il avait annoncé avec une distance des habitations de 5, 10, 20 m pour les substances les plus dangereuses (…) ces cinq mètres ne protègent en rien les populations", déclarait alors le maire de Langoüet.

La carte de France des communes mobilisées contre les pesticides :

  • En vert sont marquées les communes qui ont pris des arrêtés anti-pesticides ;
  • En violet, les communes et communautés de communes signataires de l'appel à la résistance pour l'interdiction de tous les pesticides lancé par le collectif Nous voulons des Coquelicots.

À noter que certaines villes s'organisent également par région, à l'image des communes adhérentes à la Charte Terre Saine en Poitou-Charentes.

Cette carte a vocation à être alimentée par la contribution des lecteurs : si une commune mobilisée n'apparaît pas, contactez-nous à l'adresse mail : redaction(a)linfodurable.fr

Premières retombées positives en fin d’année

Le 8 novembre 2019, le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête du préfet des Hauts-de-Seine visant à suspendre l’arrêté anti-pesticides pris en mai par le maire de Sceaux. Pour la première fois, la justice s’est placée du côté des maires. Des décisions similaires ont été rendues pour les communes de Gennevilliers, Antony, Nanterre, Malakoff, Chaville et Bagneux. Pour autant, le 20 décembre, l’exécutif annonçait la publication d’un décret prévoyant des distances minimales de 5 à 10 mètres en fonction des cultures et des produits. 

Les associations se mobilisent pour faire annuler le décret

Les associations telles que "Nous voulons des Coquelicots" ou le "Collectif des maires anti-pesticides", non-contents des distances imposées par le décret, s’interrogent même sur sa légalité - du fait du non-respect de l’obligation de prise en compte de la consultation publique ainsi que de la "fausse interprétation" de l’avis de l’Anses, publié le 14 juin 2019. Le soir du 21 janvier 2020, le "Collectif des maires anti-pesticides" a déposé une requête aux fins d’annulation de ce décret pointant, dans un communiqué, l’urgence de la situation

En février 2020, le Conseil d'État a examiné les requêtes en référé du "Collectif des maires anti-pesticides" et des ONG. Le 14 février, le "Conseil d'État dramatiquement rejeté la requête du Collectif des maires anti-pesticides", estimant que les distance fixées par le gouvernement sont de nature à éviter l'empoisonnement des riverains, selon le communiqué de presse rédigé par Daniel Cueff.

Le même mois, les maires des communes de Sceaux, Bagneux, Nanterre ou Gennevilliers, entre autres, passent devant la Cour d'appel de Versailles. Le 8 novembre 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait rejeté la requête du préfet des Hauts-de-Seine visant à suspendre leurs arrêtés.

Le 3 mars suivant, le juge du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le recours du préfet de Seine-Saint-Denis demandant la suspension de l'exécution des arrêtés anti-pesticides de huit communes du département dont : Tremblay, Stains, Villemomble, Sevran ou Saint-Denis. Une victoire en demi-teinte pour les maires mobilisés dans la lutte contre les produits phytosanitaires, encore dans l'attente d'une décision de la Cour d'appel de Versailles, qui marquera un tournant important pour les communes très engagées de Sceaux, Nanterre, Gennevilliers...

La Cour administrative d’appel de Versailles a finalement rendu son verdict en mai 2020. Elle a retoqué les arrêtés anti-pesticides de six communes des Hauts-de-Seine, estimant que ces dernières n’avaient "pas démontré l’existence d’un danger grave ou imminent". Suite à cette décision, les maires de Bagneux, Gennevilliers, Chaville, Malakoff, Nanterre et Sceaux ont décidé de saisir le Conseil d’État le lundi 18 mai, afin d’obtenir un recours.

S'ensuivent, partout en province, des annulations en cascade de la part des juridictions administratives : Orléans, Nantes, Rennes... Mais la mobilisation ne faiblit pas du côté des municipalités, les maires voyant dans ces arrêtés un moyen symbolique de continuer à faire pression sur l'Etat, à l'image d'Hervé Guihard, maire de Saint-Brieuc. Les associations continuent, elles aussi, leur travail. À l'image du collectif "T’es rien sans la Terre", à l'appel duquel dix communes se sont engagées pour l’interdiction des pesticides. Parmi ces communes des Hautes-Alpes de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, huit ont signé des arrêtés municipaux.

Coup d'arrêt du Conseil d'Etat et nouveau front de lutte

Après plusieurs années de mobilisation des élus et des citoyens, le Conseil d'Etat rend son verdict fin décembre 2021 : les maires n'ont pas de compétence sur la question de l'usage des pesticides au sein de leur commune. Par une série d'avis, la plus haute juridiction administrative française donne suite au recours de la commune d'Arcueil contre la préfecture du Val-de-Marne, qui avait annulé l'arrêté pris par le maire d'Arcueil en 2019. 

Cette décision marque une lourde défaite dans la lutte contre l'usage des produits phytosanitaires, mais ne clôt pas le débat pour autant, les élus locaux dénonçant plus que jamais l'inaction de l'Etat sur un sujet de santé public de la plus haute importance. Et leur combat se poursuit sur le terrain : Eric Piolle, maire de Grenoble, n'entend pas en rester là. L'élu EELV a pris, le 22 février dernier, un nouvel arrêté sur des bases juridiques différentes dans le but de contourner l'avis du Conseil d'Etat, en s'appuyant notamment sur les pouvoirs de police dont sont dotés les maires sur la question de la gestion des déchets. Au même moment, un arrêté similaire est pris à La Montagne, commune de Loire-Atlantique. Ce nouveau texte vise donc à "interdire de nuire à autrui par le rejet de substances phytopharmaceutiques hors de la parcelle à laquelle ils sont destinés, et à rappeler que ces substances deviennent, dans ces conditions, des déchets", a indiqué la ville de Grenoble dans un communiqué.

Le 3 mars 2021, les maires franciliens, membres du Collectif anti-pesticides déboutés par le Conseil d'Etat, suivaient le mouvement: Arcueil, Bagneux, Cachan, Gennevilliers, L’île-Saint-Denis, Malakoff, Montfermeil, Nanterre, Savigny-le-Temple et Sceaux se mobilisaient à nouveau en axant leurs arrêtés sur le modèle grenoblois, insistant sur les déchets que représentent les pesticides.

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