Baptiste Corval (a gauche) et Jean Moreau (à droite) ont co-fondé Phenix en 2014.
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Entreprises

Phenix : "Nous accompagnons les magasins sur la route du zéro déchet"

A l’occasion du mois de l’économie sociale et solidaire, ID propose plusieurs portraits d’entrepreneurs engagés dans des projets écologiques et solidaires. Jean Moreau a co-fondé, en 2014, la start-up Phenix.

Mettre fin au gaspillage alimentaire. Tel est le leitmotiv de Jean Moreau et Baptiste Corval, qui ont co-fondé la start-up Phenix en 2014. Leur cible première : les acteurs de la grande distribution, auxquels ils proposent des solutions afin d’éviter que leurs invendus ne finissent à la poubelle. L’entreprise de l’économie sociale et solidaire est en cours de labellisation B-Corp. Jean Moreau nous a raconté la genèse de ce projet.

Quels sont les services proposés par Phenix aux entreprises ?

Nous accompagnons les magasins sur la route du zéro déchet. Nous avons commencé par gérer les invendus - les produits qui arrivent en fin de vie et en fin de charte fraicheur, c’est-à-dire qui sont à quelques jours de leur date de péremption – chez Auchan, chez Carrefour, chez Leclerc, chez Biocoop… Tous ces produits étaient bien souvent détruits, jetés, incinérés. Nous avons trouvé que cette façon de faire était une aberration écologique, sociale et économique. On a donc voulu faire en sorte que la poubelle soit l’exception et que, par défaut, tous les invendus encore comestibles soient proposés à des associations caritatives. Il s’agit de notre pilier historique. Maintenant nos services se décomposent en trois séquences : d'abord, on propose l’invendu en rayon au consommateur avec une réduction, car le produit périme bientôt. Dans un deuxième temps, on bascule les produits dans le circuit associatif – notre métier historique. Enfin, on propose les invendus aux animaux, à des parcs animaliers par exemple. Il s’agit des fruits ou légumes moches, un peu abimés, des conserves cabossées…

Nous voulons généraliser le réemploi, la redistribution en circuit court et faire de la poubelle l’exception.

Quels sont les projets à venir de Phenix ?

Nous avons annoncé la semaine dernière une levée de fonds de 15 millions d’euros qui va financer quatre projets : tout d’abord, l’extension de nos services aux consommateurs. Nous lançons avec des partenaires un réseau de magasins anti-gaspi, les épiceries "Nous anti-gaspi". Il y en a déjà une à Rennes, et une autre ouvre mercredi à Saint-Malo. Ce sont des magasins dans lesquels on ne trouve que des produits qui ne respectent pas les cahiers de charges de la grande distribution et qui ne répondent aux "canons de la beauté" classiques : des produits moches, des fruits et légumes tordus, des erreurs d’étiquetage etc. Nous prévoyons d’en ouvrir une vingtaine dans les deux ans. Puis nous allons développer une application mobile à proposer à nos clients. Elle est lancée depuis 15 jours en bêta test. Le deuxième projet est l’extension vers l’international. La France a de l’avance sur l’anti-gaspillage. Nous allons commencer par les pays limitrophes : le Portugal, l’Espagne, la Belgique, la Suisse… Le troisième projet est la digitalisation des activités. Nous voulons développer les outils numériques de l’entreprise. Et enfin, on souhaite s’étendre vers la gestion des déchets au sens large. Nos clients nous demandent d’appliquer la méthodologie que nous avons eue sur les déchets organiques aux autres déchets. On considère que les déchets ont de la valeur. C’est une matière première, ce n’est pas juste un centre de problèmes et de coûts. Nous essayons modestement de mettre en place un nouveau standard dans la gestion des déchets, pour les générations futures. Nous voulons généraliser le réemploi, la redistribution en circuit court et faire de la poubelle l’exception.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter ce projet ?

J’ai un parcours classique : école de commerce, puis Sciences Po, en affaires publiques. Et j’ai commencé ma carrière dans la banque d’affaires. C’était une bonne formation, c’était stimulant intellectuellement, mais un peu vide de sens au quotidien. Je passais beaucoup de temps au bureau pour une cause qui ne me faisait pas vibrer, et je n’avais pas de fierté à faire ce que je faisais. J’ai eu envie de trouver un métier à vocation qui ait plus d’impact. Je me disais ‘quitte à bosser 80 heures par semaine, autant que ce soit pour une cause qui me parait plus noble que la finance d’entreprise pour une boite du CAC 40’. A 30 ans environ, j’ai fait un switch un peu radical. J’ai quitté la banque où je travaillais pour lancer une entreprise sociale. On avait le sentiment avec Baptiste (l’associé de Jean – ndrl) que le gaspillage alimentaire était un gros sujet de société et qu’il y avait beaucoup de besoins. Donc on s’est attaqué à cela avec la fierté, quatre à cinq ans plus tard, d'avoir créé une centaine d’emplois et redistribué 50 millions de repas. On commence à avoir un impact extra-financier non négligeable, et la boite marche.

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui voudrait se lancer dans l’entrepreneuriat social ?

Le premier conseil, c’est de rester focus sur l’exécution. Dans le monde de l’ESS, les porteurs de projets ont parfois tendance à vouloir beaucoup communiquer, sans travailler sur le fond du sujet. Il faut commencer par faire en sorte que le projet marche. Le deuxième conseil c’est de trouver le bon dosage entre l’entêtement et la persévérance. La frontière est assez ténue. Au moment du lancement de Phenix, pendant 12 à 18 mois, on a douté, parce qu’on tournait autour du pot, on ne trouvait pas le modèle économique, ça ne décollait pas assez vite, voire pas du tout. Ca s’est joué à pas grand chose que l’on arrête tout, en se disant qu’il y avait trop de messages négatifs, qu’il fallait les écouter. Puis on s’est accroché pendant quelques semaines, mois de plus et avons fait un pivot stratégique qui a tout débloqué. Il ne faut pas se décourager dans la phase d’amorçage. Le troisième conseil est de bien s’entourer. Les premières embauches sont un peu clé. 

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