La Commission européenne propose de retirer environ 80 % des entreprises du champ d'application de la CSRD.
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Entreprises

Directive omnibus : la proposition législative fait bondir plusieurs organisations

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"Vers un affaiblissement historique des normes environnementales et sociales en Europe". Voici comment plusieurs organisations décrivent la proposition législative rendue publique par la Commission européenne et concernant entre autres la CSRD. Elle revient selon eux "de manière brutale sur des avancées pourtant cruciales pour la protection des droits humains, de l’environnement et du climat".

Pas une simplification mais une "dérégulation massive et sans précédent qui rappelle la politique de déréglementation en cours aux États-Unis". C'est ce que déplorent ActionAid France, Amis de la Terre France, BLOOM, CCFD-Terre Solidaire, Collectif Ethique sur l’Étiquette, FIDH, Oxfam France, Notre Affaire à Tous, Reclaim Finance, Sherpa, à propos du paquet législatif omnibus dévoilé le 26 février par la Commission européenne. Pour rappel, celle-ci concerne notamment la CSRD et la CSDDD, qui ne sont pas supprimées, mais "rationalisées", selon la Commission. 

"Sous couvert de 'simplifier' la vie des entreprises, la directive 'omnibus' de la Commission propose de démanteler nombre d’obligations en matière de durabilité et de protection des droits humains", estiment ces associations, dans un communiqué publié dans la foulée de cette annonce. Pour elles, cette proposition, "présentée dans l’urgence et sans respecter pleinement les procédures démocratiques", s’attaque à des normes d’intérêt public.

ID a détaillé ce paquet législatif et au niveau de la CSRD, la Commission européenne propose entre autres de retirer environ 80 % des entreprises de son champ d'application. Le tout en concentrant les obligations en matière de rapports sur le développement durable sur les plus grandes entreprises, "qui sont les plus susceptibles d'avoir les impacts les plus importants sur les personnes et l'environnement".

Plusieurs mesures épinglées

Une proposition que les auteurs du communiqué dénoncent, pointant aussi du doigt la suppression des normes sectorielles, "qui permettent de cibler en priorité les secteurs les plus polluants tels que le secteur extractif". "Cela signifie que certaines informations essentielles pour orienter les financements vers la transition climatique juste seront perdues", jugent-ils.

"Concernant la Directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité des entreprises (CSDDD), la proposition réduit drastiquement son champ d’application (exclusion des relations commerciales indirectes, au niveau desquels ont lieu nombre d’atteintes graves), vide de leur substance certaines mesures correctives ainsi que les plans de transition climatique attendus des entreprises, et s’attaque aux mécanismes permettant de contrôler, sanctionner et tenir pour responsable sur le plan civil les entreprises en cas de faute", pointent les organisations.

Ces dernières dénoncent par ailleurs l'influence des lobbys et le soutien des mouvements ultra-conservateurs. Elles appellent ainsi le gouvernement français à "défendre l'ambition initiale", ajoutant qu'il est encore temps "d'éviter ce recul historique".

"Au moment où le changement climatique et les inégalités sociales s’imposent comme des défis majeurs, au moment où le binôme Trump/Musk cherche à engager les US à rebours sur ce sujet, contre tout bon sens, l’Europe ne peut se permettre d’envoyer un signal de relâchement en matière de responsabilité des entreprises", écrit pour sa part Rémy Gerin, professeur de marketing affilié à l’ESSEC et Directeur Exécutif de la Chaire Grande Consommation, dans une tribune publiée sur ID.

Pour lui, "torpiller la CSRD reviendrait à accorder une très jolie prime aux moins bonnes entreprises, et créer une instabilité réglementaire préjudiciable pour celles qui ont fait de la durabilité un axe stratégique de leur développement".

Juste le début ?

Prochaine étape pour ces propositions législatives : elles vont être soumises au Parlement européen et au Conseil pour examen et adoption.

"Nous prenons des mesures concrètes pour réduire la bureaucratie et rendre les règles de l'UE plus accessibles et plus efficaces pour les citoyens et les entreprises. Le paquet adopté aujourd'hui est la première étape de nos efforts de simplification à grande échelle dans tous les secteurs de la législation", a notamment assuré pour sa part Stéphane Séjourné, vice-président exécutif pour la prospérité et la stratégie industrielle de la Commission européenne. 

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a aussi indiqué que d'autres simplifications viendraient.