"La Commission Européenne pourrait publier une décision malheureuse le 26 Février, dans le cadre d’une directive omnibus..."
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Tribunes

Ne torpillons pas la CSRD ! L’Europe doit rester le phare du monde de la durabilité

Le sort de la CRSD devrait s'éclaircir ce 26 février puisque par le biais d'une directive omnibus, la Commission européenne s'apprête à réexaminer le texte. Rémy Gerin, professeur de marketing affilié à l’ESSEC et Directeur Exécutif de la Chaire Grande Consommation, émet son point de vue sur ce réexamen.

En matière de RSE, tout le monde est champion du monde. Chacun raconte ce qu’il fait de bien, et chacun fait nécessairement quelque chose mieux que son concurrent ne serait-ce parce qu’il fait différemment. Bref, depuis des années, la lecture des rapports annuels des entreprises donne à penser que nous n’avons que des Champions du Monde. Ce n’est pas possible, et cela devient même agaçant.

Les vertus de la CSRD, et l’omnibus du 26 Février 2025

En imposant un cadre structuré et standardisé, la CSRD avait cette vertu d’engager une dynamique permettant transparence et comparabilité des performances environnementales, sociales et sociétales des entreprises, a minima au sein d’une même industrie. Cette directive était par ailleurs attendue par le monde financier, car permettant aux investisseurs d’identifier les entreprises considérant cet enjeu de double matérialité, engagées sur ces sujets sociaux et environnementaux, et donc les entreprises ayant une chance raisonnable d’exister dans 20 ans.

Emmanuel Faber, président de l’ISSB, vient opportunément de le rappeler ce 7 Février, « la compétitivité et la transparence ne s’opposent pas ». Mais la Commission Européenne pourrait publier une décision malheureuse le 26 Février, dans le cadre d’une directive omnibus, en allégeant massivement l’exigence demandée aux entreprises. Ce possible assouplissement répondant aux inquiétudes de certains acteurs face à la complexité et au coût des dispositions actuelles. Il traduit également une volonté politique de ne pas freiner la compétitivité des entreprises européennes dans un contexte économique tendu.

Une réglementation plus laxiste sur la CSRD compromettrait les objectifs ambitieux de neutralité carbone et de justice sociale que l’Union s’est fixés".

Les conséquences du détricotage

Au moment où le changement climatique et les inégalités sociales s’imposent comme des défis majeurs, au moment où le binôme Trump/Musk cherche à engager les US à rebours sur ce sujet, contre tout bon sens, l’Europe ne peut se permettre d’envoyer un signal de relâchement en matière de responsabilité des entreprises. La crédibilité du Green Deal européen repose en grande partie sur la capacité des acteurs économiques à mesurer et à rendre compte de leur impact.

Une réglementation plus laxiste sur la CSRD compromettrait les objectifs ambitieux de neutralité carbone et de justice sociale que l’Union s’est fixés. Et puis cette perspective malheureuse soulèverait une interrogation de fond sur la crédibilité des engagements pris par l’Union européenne en matière de durabilité.

Torpiller la CSRD le 26 Février reviendrait à accorder une très jolie prime aux moins bonnes, et créer une instabilité réglementaire préjudiciable pour les entreprises qui ont fait de la durabilité un axe stratégique de leur développement". 

Rémy Gerin
©ESSEC Business School

L’Europe a aujourd’hui la possibilité de s’installer durablement comme le phare du monde en matière de durabilité, alors que la Chine accélère et que la résistance s’organise aux USA. Aussi, plutôt que de réduire ces obligations vertueuses, il serait plus pertinent d’accompagner les entreprises dans leur mise en conformité en simplifiant certains aspects techniques.

Depuis la publication de cette tribune, la Commission européenne a proposé son « paquet législatif Omnibus » : 

Environ 80 % des entreprises retirées du champ d'application de la CSRD

La prime au moins bon

Et si on regarde nos entreprises en Europe, elles sont nombreuses à avoir entrepris des choses formidables, et depuis longtemps, aux chapitres clef de l’ESG. Torpiller la CSRD le 26 Février reviendrait à accorder une très jolie prime aux moins bonnes, et créer une instabilité réglementaire préjudiciable pour les entreprises qui ont fait de la durabilité un axe stratégique de leur développement. Alors simplifions, mais ne donnons pas raison aux populistes régressifs.

Par Rémy Gerin, professeur de marketing affilié à l’ESSEC et Directeur Exécutif de la Chaire Grande Consommation