La France vient de publier un bilan environnemental alarmant* : 64 Mds€ sont dépensés annuellement, principalement pour traiter les déchets, dépolluer les eaux et améliorer la qualité de l’air. Ce n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg : le coût des effets sanitaires de l'environnement dégradé représente 180 Mds €, soit 7,8 % du PIB, selon l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS)**.
Ce constat met en évidence un enjeu majeur: nos activités économiques, en dégradant l’environnement, portent gravement atteinte à notre santé. Les bouleversements environnementaux amplifient la propagation des maladies, engendrant des coûts économiques immenses. Face à ce défi, il est urgent d’adopter une approche systémique de notre santé, notamment via One Health.
Les bouleversements environnementaux, accélérateurs de maladies
Le dépassement des limites planétaires lié aux activités humaines transforme peu à peu notre planète en incubateur géant de maladies. Selon l'OMS, environ 24 % des décès dans le monde sont directement liés à des risques environnementaux évitables.
Les récentes épidémies (SRAS, Ebola et grippe aviaire) sont ainsi liées à la perte de biodiversité, fruit de la surexploitation des ressources, de la destruction des milieux naturels et du changement climatique, qui augmentent les contacts entre espèces sauvages et humaines et modifient les comportements des vecteurs de maladies."
Les maladies infectieuses, jadis cantonnées à certaines régions tropicales, gagnent du terrain sous l'effet du changement climatique. Ainsi, la dengue et le paludisme, portées par des moustiques dont la zone de prolifération s'étend désormais aux latitudes tempérées, se propagent en Europe, menaçant de nouvelles populations.
Les zoonoses, maladies transmises de l’animal à l’homme, augmentent aussi sensiblement. Elles représentent 60 % des maladies infectieuses humaines, et constituent 75% des maladies émergentes***. Les récentes épidémies (SRAS, Ebola et grippe aviaire) sont ainsi liées à la perte de biodiversité, fruit de la surexploitation des ressources, de la destruction des milieux naturels et du changement climatique, qui augmentent les contacts entre espèces sauvages et humaines et modifient les comportements des vecteurs de maladies.
Par ailleurs, la pollution de l'air provoque une hécatombe silencieuse. 7 millions de personnes dans le monde meurent prématurément tous les ans des suites de l’exposition aux particules fines. Ces polluants exacerbent les cas d’accidents vasculaires cérébraux, de cancers du poumon et d’infections respiratoire.
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Des solutions existent : l’approche One Health
Face à ces enjeux, les Accords de Kunming-Montréal de la COP 15 sur la biodiversité et l’OMS ont mis en avant l’approche One Health, qui reconnaît l’interconnexion entre la santé humaine, animale et environnementale.
Le récent rapport Nexus de l’IPBES souligne l’urgence d’une telle approche intégrée. Il met en avant les interactions complexes entre biodiversité, eau, alimentation et climat, et souligne que l’effondrement des systèmes naturels aggrave les inégalités sanitaires et sociales tandis que leur préservation et leur restauration sont des leviers majeurs pour une meilleure santé publique****.
Les acteurs publics, soutenus par les ONG, doivent ainsi déployer des programmes massifs de régénération écologique. Chaque forêt, chaque zone humide protégée limite les risques de propagation de maladies. Ainsi, aux Etats-Unis, la restauration de zones humides associée à un contrôle écologique des moustiques a permis de réduire la propagation de maladies infectieuses. Ces écosystèmes, véritables barrières naturelles, améliorent aussi la qualité de l’air et de l’eau, deux facteurs essentiels de la santé publique.
La pandémie COVID-19 qui a coûté à l’économie mondiale plus de 10 000 Mds $ pour la seule année 2020, illustre dramatiquement le coût potentiel d'une absence d’approche préventive intégrée."
La transition vers l’agroécologie et l’agroforesterie est également inévitable. Les agriculteurs doivent être soutenus pour remplacer progressivement les systèmes agricoles intensifs reposant sur les pesticides et engrais chimiques, liés à divers risques sanitaires. Une étude de l’INRAE révèle ainsi qu'une exposition prolongée aux pesticides entraîne diabètes et troubles hépatiques. La suppression des pesticides pourrait permettre d’économiser plus de 105,9Mds€ dans l’Union Européenne, en coûts de traitements des maladies, dépollutions, subventions, etc.
La pandémie COVID-19 qui a coûté à l’économie mondiale plus de 10 000 Mds $ pour la seule année 2020, illustre dramatiquement le coût potentiel d'une absence d’approche préventive intégrée. Pourtant, selon la Banque Mondiale, le coût mondial d’adoption d’une approche One Health, estimé entre 1,9 et 3,4Mds $*****, est dérisoire aux regards des bénéfices escomptés.
La crise climatique est indissociable de la santé publique. L'approche One Health offre une vision intégrée et pragmatique pour relever les défis sanitaires et environnementaux mais nécessite une mobilisation immédiate, des investissements substantiels et une volonté politique forte. Faire de l’environnement une priorité de santé publique n’est plus une option mais une nécessité. C’est le seul chemin pour garantir un avenir sain et résilient aux générations futures.
*Commissariat général au développement durable. (mars 2025). Bilan environnemental de la France – Édition 2024. Ministère de la Transition écologique. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/bilan-environnemental-de-la-france-edition-2024-0
**Inspection générale des affaires sociales (IGAS). (2023). La santé environnementale dans les travaux de l'IGAS (2013-2022). Ministère de la Santé et de la Prévention. https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/la_sante_environnementale_dans_les_travaux_de_l_igas_2013-2022_.pdf
***Organisation mondiale de la Santé. (2022, septembre 21). Une seule santé (« One Health ») [Fiche d'information]. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/one-health
****IPBES. (2023). Évaluation Nexus (biodiversité, eau, alimentation et climat). Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. https://www.ipbes.net/nexus-assessment
*****Banque mondiale. (2012). People, pathogens and our planet: The Economics of One Health (Volume 2, Rapport N°69145-GLB). World Bank.
Par Louis Raynaud de Lage, Senior Manager - Impact & Durabilité chez Bartle.