Alexis Normand est Directeur Général et co-fondateur de Greenly.
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CSRD, le patron de Greenly réagit : "l’Europe reste la seule région au monde sérieusement engagée sur la décarbonation"

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ID s'est entretenu avec Alexis Normand, Directeur Général et co-fondateur de Greenly. Le jeune dirigeant avait critiqué sévèrement les propos de Stéphane Séjourné (commissaire européen) sur la CSRD.

Greenly est une plateforme qui s’engage à faciliter le reporting carbone ainsi que le reporting de durabilité, dont la CSRD.

Stéphane Séjourné a suscité de vives réactions avec ses propos sur la CSRD, dont le cadre pourrait sensiblement évoluer. Cela a fait réagir de nombreux professionnels du durable, dont vous faites partie.

Notre activité est étroitement liée à la conformité CSRD, et les acteurs comme nous pourraient être directement impactés par un éventuel ralentissement de la croissance du marché. Je reconnais volontiers être biaisé dans mon positionnement, mais je l’assume pleinement.

La directive CSRD a déjà été transposée en France, et de nombreuses grandes entreprises ont effectué leur reporting de durabilité. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Collège des directeurs du développement durable (C3D) s’est positionné favorablement. Ces grandes entreprises ont déjà intégré le coût de la conformité. Il est donc légitime de s’interroger sur un éventuel assouplissement des exigences pour les PME. Cependant, en France, nous disposons d’un écosystème bien établi qui assume pleinement la CSRD, ainsi que d’une expertise technologique reconnue, avec des acteurs devenus des leaders mondiaux sur le sujet.

L’objectif ne doit pas être uniquement de produire des reportings, mais d’encourager des actions concrètes de décarbonation

Ne pensez-vous pas, en tant qu’acteur du durable, qu’il est crucial de recréer les conditions d’une plus grande acceptation et d’un volontarisme accru des acteurs économiques sur les enjeux environnementaux ?

L’objectif ne doit pas être uniquement de produire des reportings, mais d’encourager des actions concrètes de décarbonation, une meilleure anticipation des risques, et une plus grande résilience des entreprises.

La technologie peut également jouer un rôle clé en simplifiant ce reporting. L’une des pistes d’amélioration serait de réduire la responsabilité pesant sur les auditeurs, en adoptant une approche graduée selon la taille des entreprises. Par exemple, les PME pourraient bénéficier d’un système d’audit simplifié, à l’image de l’expertise comptable pour les petites structures, tandis que les grandes entreprises continueraient de faire l’objet d’un suivi approfondi par des commissaires aux comptes.

Actuellement, un tel dispositif n’existe pas dans la CSRD, ou alors de manière peu claire. Cela crée une charge d’audit disproportionnée. La simplification pourrait passer par la certification des logiciels utilisés pour la collecte et la vérification des données, à l’instar des logiciels financiers certifiés. Si ces logiciels garantissent un haut degré de fiabilité dans les processus, cela pourrait alléger considérablement les contraintes pour les entreprises.

L’intelligence artificielle, par exemple, peut déjà vérifier des pièces jointes pour évaluer l’existence de politiques, comme celle de la non-discrimination entre hommes et femmes. Ce type d’application est très prometteur.

Allier la technologie à une réglementation plus souple, notamment en sortant les auditeurs de l’équation pour les PME et les ETI, me semble une évolution nécessaire.

Pour revenir à votre réaction sur les propos de Monsieur Séjourné, vous avez exprimé des critiques assez dures.

C'est vrai, j'assume, mais le contexte international ne doit pas être négligé. Face à des États-Unis où Trump menace les accords de Paris et les subventions aux renouvelables, l’Europe reste la seule région au monde sérieusement engagée sur la décarbonation. Nos réglementations, dotées d’une portée extraterritoriale, imposent leurs standards à des milliers d’entreprises étrangères souhaitant accéder au marché unique. Cela renforce non seulement notre soft power, mais aussi le projet européen lui-même.

Si les déclarations de Stéphane Séjourné ne concernent qu’un ajustement mineur – un seuil, une date – cela pourrait être acceptable. Mais il existe une crainte partagée que cet assouplissement serve davantage des considérations électoralistes, notamment en Allemagne, au détriment d’une ambition collective pour la durabilité.