Selon le Haut Conseil pour le climat, les mesures de la loi "Climat et résilience" ont une portée trop réduite.
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Edito

Et maintenant, des gestes barrière pour le climat ?

En neuf mois (une durée symbolique !), nous avons appris et accepté plus que nous ne l’aurions imaginé. La peur de la maladie et de la sanction, la solidarité et le civisme, entre autres, ont incité les citoyens à modifier durablement leurs habitudes de vie. Nous avons ainsi appris que la menace et la peur sont des moteurs de changements profonds. Le réchauffement climatique, dont les effets se font déjà ressentir, peut-il donc nous inciter à nous mobiliser de la même façon ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la mobilisation pour combattre le coronavirus a été particulièrement massive : États, entreprises, collectivités, associations, citoyens…tout le monde a « fait sa part » à son échelle pour se protéger, protéger les autres, et préparer l’avenir. Ce mouvement global ne s’est pas déroulé sans heurts ni erreurs, mais il a permis de sauver des vies et d’éviter que le virus soit sans adversaire, l’exemple des gestes barrière appliqués par les citoyens est d’ailleurs frappant. D’après une étude de Santé Publique France, nous sommes 80% à avoir adoptés ces petits gestes pour lutter contre l’épidémie (masque, tousser ou éternuer dans son coude, se laver les mains, distanciation physique). Qui aurait imaginé une telle mobilisation ? S’il a fallu beaucoup de communication, de mesures incitatives et coercitives, c’était la première fois et le niveau d’acceptation a été majeur.

Alors pourquoi ne pas dépolitiser la proposition pour la prendre telle qu’elle est : le climat se dérègle

Nous pourrions donc être prêts à changer certains de nos comportements pour lutter contre un risque sans doute plus grand que la Covid-19 : le dérèglement climatique. D’autres gestes barrière en somme : mieux consommer, se déplacer avec des moyens de transports plus doux, réduire sa consommation de viande, limiter sa production de déchets…

L’urgence est aussi grande et le risque plus important. Alors pourquoi ne pas dépolitiser la proposition pour la prendre telle qu’elle est : le climat se dérègle, ce n’est plus discutable, notre espèce est en danger, c’est une réalité, nous portons toutes et tous une partie de la solution, c’est incontestable. Et pour ceux qui répètent à l’envi que ce n’est pas aux citoyens de tout porter, ils ont raison, mais c’est peut-être à nous d’ouvrir la voie vers la résilience, le reste suivra nécessairement, puisque nous sommes à la fois le marché et l’électorat.

Une évolution massive et radicale des comportements face à la menace

On pourrait débattre pendant des heures de l’aspect liberticide de certaines mesures imposées comme les restrictions d’aller et venir par exemple, la question de la pression psychologique exercée par les responsables politiques sur les citoyens pose aussi question, un discours largement fondé sur la menace a été choisi, ce n’était pas la seule option.

Mais l’évolution des comportements telle que nous l’avons opérée en si peu de temps porte peut-être en elle les germes d’un espoir pour la mobilisation citoyenne dans la lutte contre le réchauffement climatique, un enjeu d’une autre taille auquel nous allons être confrontés de plus en plus dans les mois et années à venir.

La menace est donc réelle, présente, puissante, et nous avons appris pour la première fois depuis longtemps à nous mobiliser face à la catastrophe

Bien sûr, notre cerveau est largement tourné vers le court-terme, c’est quand le « ici et maintenant » est devant nous que nous sommes les plus réactifs. Mais nous avons aussi une capacité de nous mobiliser grâce à l’expérience, au vécu qui sert de balise à l’engagement. Cette expérience de la crise du coronavirus pourrait être à l’origine d’un basculement collectif. Nous avons réalisé dans l’expérience à quel point notre modèle est intenable (atteintes à la biodiversité, hyper mobilité, hyperconsommation…), et fragile (crise économique et sociale, confinement, décisions erratiques…), mais aussi à quel point nous sommes capables de nous mobiliser pour survivre (acceptation des restrictions, changements d’habitudes, solidarité…).

La menace climatique de plus en plus actuelle

Nous pourrions  prendre le chemin de la mobilisation pour un autre combat qu’il va falloir mener, et qui sera sans doute bien plus difficile à gagner que celui contre la Covid-19 : le réchauffement climatique. Est-ce un ennemi invisible et potentiel ? Non, la communauté scientifique s’accorde à dire que les conséquences sont bien là, et ce n’est que le début. Ce constat a été récemment confirmé par le rapport 2020 du Lancet Countdown sur la santé et le réchauffement climatique : « au cours des 20 dernières années, il y a eu une augmentation de 53,7% de la mortalité liée à la chaleur chez les plus de 65 ans, atteignant un total de 296 000 décès en 2018 ». Mais ce n’est pas tout, le rapport pointe le fait que « la sécurité alimentaire est menacée » et que « la propicité du climat à la transmission de maladies infectieuses a augmenté rapidement depuis les années 50 ». Enfin, la même étude réalisée par des dizaines de scientifiques prévoit qu’entre « 145 millions et 565 millions de personnes risquent de subir des inondations en raison de l’élévation du niveau des mers ».

Les auteurs regrettent en même temps que « malgré ces signes clairs et croissants, la réponse mondiale au changement climatique a été faible et les efforts nationaux continuent à être bien en deçà des engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris ». La menace est donc réelle, présente, puissante, et nous avons appris pour la première fois depuis longtemps à nous mobiliser face à la catastrophe. Alors pourquoi ne pas en tirer profit pour ce défi face auquel il n’est peut-être pas encore trop tard ?