Julien Bruitte co-fondateur et CEO d’Origami Marketplace.
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Tribune

L’économie circulaire à l’ère de l’innovation

"Pour que le principe de circularité arrive à s’imposer comme une économie et une éthique viables, elle doit s’appuyer sur un changement de paradigme à la fois moral et technique", analyse dans cette tribune Julien Bruitte co-fondateur et CEO d’Origami Marketplace.

Alors que les enjeux environnementaux nous enjoignent à réinterroger nos modes de consommation, l’économie circulaire apparaît comme une démarche évidente d’un point de vue écologique, mais aussi comme un axe de développement économique. En effet, une étude du Forum économique mondial indique que l'économie circulaire pourrait représenter une opportunité de 4 500 milliards de dollars à l’horizon 2030. Les 5 R de la circularité - refuser, réduire, réutiliser, recycler et rendre à la à la terre - peuvent nous permettre de dessiner les contours d’un futur désirable, encore faut-il les employer intelligemment et à travers le prisme de l’innovation.

La circularité, forces et faiblesses

Plusieurs paramètres sont à prendre en compte pour que le principe de l’économie circulaire soit efficace vis-à-vis de la préservation des ressources : notre besoin (ou son absence), le type de produit et l’étape du cycle.

Logiquement, la première des options est le refus. Refuser les achats inutiles, ceux dont nous n’avons pas réellement besoin. Ensuite, vient l’acte de réduire sa consommation avec l’idée de diminuer la production de déchets. On pense ici aux produits suremballés auxquels on peut préférer les produits en vrac. En troisième lieu, il s’agit de réutiliser ou réparer. Ici, on préférera une bouteille en verre consignée à une bouteille plastique, ou un vêtement de seconde main à un achat neuf. La réparabilité, elle, repose sur l’éco-conception en amont, qui permet d’intervenir plus tard sur le produit dysfonctionnel pour lui donner une seconde vie, à l’inverse de l'obsolescence programmée, qui a trop longtemps guidé la production d’appareils au cycle de vie court et volontairement irréparables. Le recyclage doit être, d’après moi, le dernier recours. Je regrette qu’il soit souvent utilisé comme un raccourci, alors que certaines étapes des 5 R sont encore possibles à mettre en œuvre pour les produits. Le recyclage semble de prime abord vertueux, alors que c’est en réalité un dispositif intensif, gourmand en ressources. Par exemple, dans le cas du plastique recyclé, il convient en effet de garder à l’esprit qu’il y a toujours ajout de matière nouvelle et qui est, de fait, prélevée à la terre. Le recyclage est donc utile uniquement si toutes les étapes précédentes de l’économie circulaire ont déjà été réalisées. Vient, enfin, la valorisation des déchets organiques sous la forme de compost qui représente le R du retour à la terre, encore appelé régénérer.

Plus globalement, je pense qu’il faut aborder l’économie circulaire et les 5 R dans une démarche d’amélioration, chercher toujours à faire mieux sans pour autant sauter des étapes. J’entends par là interroger ses pratiques au quotidien en ayant toujours à l’esprit de limiter la production de déchets et le prélèvement des ressources. Ainsi, le colis en carton que l'on reçoit lors d’une commande e-commerce peut être réutilisé pour envoyer des produits vendus sur les plateformes de seconde main. Plutôt que de jeter spontanément le carton dans la poubelle jaune et à la déchetterie, on préfère alors le réemploi au recyclage.

Au-delà de notre comportement de consommateurs, c’est aussi la production-même de biens qui doit être repensée à l’aune des enjeux écologiques."

Vers un nouvel R

Inflation, baisse du pouvoir d’achat, la conjoncture actuelle sert le propos de la circularité, et un changement de réflexion s’opère au niveau des consommateurs. Du côté de la production, les industriels et distributeurs constatent une baisse de leur chiffre d'affaires : il est désormais évident que les entreprises ne peuvent plus tabler sur leur ancien modèle pour assurer leur croissance. C’est pourquoi, il est nécessaire selon moi d’amorcer une transformation des secteurs industriels et de la distribution, afin d'accélérer leur transformation vers l’économie circulaire. C’est en quelque sorte le sixième R : les entreprises doivent dès maintenant se réinventer.

Pour ce faire, l’innovation doit être au cœur de cette nouvelle dynamique et donc des 5 R. Si le refus, la réduction, la régénération et le recyclage sont de l’ordre d’un changement de réflexion et doivent faire l’objet d’une nouvelle pédagogie auprès des consommateurs, le reconditionnement et la réparation doivent s’appuyer sur une refonte des modèles économiques et techniques des entreprises par le biais notamment de nouveaux process, de l’éco-conception, ou de nouveaux matériaux.

On voit ici que la réinvention par l’innovation, qu’il s’agisse des idées ou des technologies, permet aux consommateurs comme aux entreprises de s'inscrire pleinement et durablement dans la logique de l’économie circulaire

Pour que le principe de circularité arrive à s’imposer comme une économie et une éthique viables, elle doit s’appuyer sur un changement de paradigme à la fois moral et technique. Une autre façon de concevoir la production et la consommation, en harmonie avec la planète.

Par Julien Bruitte co-fondateur et CEO d’Origami Marketplace.