©Thermostat 6
TO DO du week-end

"Thermostat 6" : à quand la fin du déni climatique ?

Le court métrage animé "Thermostat 6" constitue le travail de fin d'études de quatre co-réalisatrices à l'école des Gobelins : Sixtine Dano, Marion Coudert, Mylène Cominotti et Maya Av-Ron. En cette rentrée marquée par la démission de Nicolas Hulot, le thème abordé par ce petit film, à savoir le déni écologique, lui vaut de faire parler de lui bien au-delà des passionnés de cinéma d’animation.  

ID s'est entretenu avec Sixtine Dano, l'une des co-réalisatrices de "Thermostat 6", un court métrage à découvrir ce week-end (voir la vidéo en bas de cet article) :

Pouvez-vous décrire en quelques mots l'histoire de ce court métrage ?

Une famille déjeune au rythme des gouttes d’une fuite d’eau coulant au dessus de la table. Trouvant des excuses pour éviter de régler la question, c’est face à tout un problème de canalisation que la famille va devoir faire face. Si seulement ils pouvaient s’entendre…

Pourquoi avoir utilisé la métaphore de la fuite d'eau pour représenter l'urgence climatique ?

C’est un problème qu’on ne peut pas oublier, la vue et le son des gouttes qui tombent peuvent paraître minimes mais ils peuvent à la longue devenir insupportables et également vite remplir plus qu’un seau d’eau. Mais surtout, on aimait bien le rapprochement entre l’eau qui monte et la montée des océans due au réchauffement de la planète.

Que symbolisent cette maison, et cette famille ?

La maison c’est la Terre : passée de génération en génération, elle s’est dégradée et n’a jamais été réparée. Elle questionne sur le devoir de responsabilité individuelle et collective que nous avons tous : sauvegarder un environnement de vie sain pour les générations futures. Notre famille représente les différentes réactions des membres de la société face aux enjeux actuels. On s’est dit qu’une famille, avec ses différentes personnalités et générations, serait parfaite pour aborder ce thème.

Le déni c’est de continuer à élire des gouvernements qui n’ont pas une politique écologique centrale dans leur programme. Le déni c’est de penser que l’on n'est rien comparés aux lobbys qui régissent l’économie. C’est aussi de prendre sa voiture pour quelques kilomètres tous les jours alors qu’un vélo suffirait. C’est de manger tous les jours de la viande alors que les chiffres affirment que c’est un levier énorme sur la réduction des gaz à effet de serre...

Sixtine Dano, co-réalisatrice de "Thermostat 6"

Vous sentez-vous particulièrement confrontée au déni écologique autour de vous ? Comment l'expliquez-vous ?

On l’est tous et tous les jours. On a en nous ce déni qui nous permet de ne pas déprimer et de continuer à avancer tout en sachant les choses horribles qui se passent dans le monde en ce moment même. Le plus embêtant c’est que le déni et l'inaction sont beaucoup plus répandus que le climato-scepticisme. Et au final c’est plus grave. Car à la rigueur, on peut pardonner à ceux qui s’entêtent à ne pas vouloir y croire, mais ceux qui savent et n’agissent pas sont finalement la masse déterminante qui pourrait faire changer les choses. Le déni c’est de continuer à élire des gouvernements qui n’ont pas une politique écologique centrale dans leur programme. Le déni c’est de penser que l’on n'est rien comparés aux lobbys qui régissent l’économie. C’est aussi de prendre sa voiture pour quelques kilomètres tous les jours alors qu’un vélo suffirait. C’est de manger tous les jours de la viande alors que les chiffres affirment que c’est un levier énorme sur la réduction des gaz à effet de serre...

Votre court métrage déplore la réalité de l'inaction, du manque de réaction face au dérèglement climatique. Mais croyez-vous en un sursaut, un éveil des consciences très prochain (et pas trop tard) ?

Je crois au sursaut car dans l’histoire on a connu énormément d’accélérations de prises de conscience. Et tant que l’on n'a pas atteint le seuil d’emballement climatique - fonte du permafrost et libération de son méthane notamment -, toute action sera utile ! On sait que l’on ne pourra pas arrêter le réchauffement de la planète, mais chaque décision gouvernementale, chaque action individuelle et surtout collective pourra servir sur le long terme à sauver des millions de vies. On ne peut pas se battre et s’investir tous les jours si l’on n'a plus d’espoir. Alors on garde espoir. On ouvre les yeux sur les initiatives incroyables que des gens lancent partout dans le monde, les associations pour le climat, les lobbys citoyens, les campagnes de boycott, les coopératives, les AMAP (association pour le maintien d'une agriculture paysanne)... Et c’est en se rapprochant de ces gens-là, de ce mouvement positif qui agit du mieux qu’il peut que l’on peut combattre le cynisme et la déprime. Agir n’a jamais été aussi bon pour la santé mentale qu’en ces temps de dissonances cognitives.

Quelles sont les premières réactions à votre court métrage ?

On est très contentes car on n'a reçu que des retours très positifs. On a pu avoir plusieurs articles dans des médias, ce qui a permis à notre film de fin d’études de dépasser le cercle des passionnés de cinéma d’animation pour pouvoir toucher le grand public. "Thermostat 6" est sorti peu de temps après la démission de Nicolas Hulot et de la Marche pour le climat. On sent que c’est un moment décisif en France, on est au début du sursaut et on espère que notre film contribue, à sa modeste échelle, à cet élan.