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Pourquoi et comment lutter contre l’agression publicitaire ?

Le 25 mars est la Journée mondiale contre la pub. Interview avec le président de l’association R.A.P (Résistance à l’agression publicitaire).

Affiches lumineuses, spots télé, annonces radio, fenêtres pop-up et mêmes posts sponsorisés sur les réseaux sociaux… La publicité est partout, tout le temps. Pour lutter contre ce trop-plein consumériste qui consomme autant de temps de cerveau que de ressources naturelles, l’association R.A.P (Résistance à l’agression publicitaire) a initié en 2015 une Journée mondiale contre la pub le 25 mars. Aujourd’hui soutenu par la coalition internationale de groupes anti-pub Subvertisers International, cet événement de mobilisation invite tout un chacun à reprendre possession de l’espace public. Avec force s’il le faut !

Khaled Gaiji, le président de l’association R.A.P., nous en dit plus sur les dangers de la pub et comment agir.

Quelle est l’ampleur de l’agression publicitaire dans nos sociétés aujourd’hui ?

Nous identifions deux types d'agressions : le premier est lié à une pression quantitative et omniprésente. On reçoit entre 1200 et 2200 messages publicitaires par jour, et plus de 15 000 stimuli commerciaux. Ça représente environ 800 000 messages par an. C'est du quasi-matraquage ! La publicité est tellement présente dans notre société qu'elle devient inévitable. Pour nous, ça viole ce qu’on appelle la "liberté de réception", qui est le corollaire de la liberté d'expression : le droit d’avoir le choix de voir ou non la publicité, plutôt qu'elle s'impose à nous. Le deuxième type d’agression est lié aux contenus-mêmes de la publicité. Certains messages sont très idéologiques, sexistes, parfois racistes. Les corps représentés sont souvent anorexiques, les produits trop gras, trop sucrés, etc.

Aujourd'hui, l’agression est encore plus forte avec les panneaux vidéo. Ils jouent sur ce qu'on appelle le "réflexe du prédateur" en sciences cognitives, qui fait que lorsque quelque chose bouge dans le champ de vision, cela attire davantage le regard. Ces dispositifs numériques consomment en plus 7 à 13 fois plus d'énergie que des affichages traditionnels, ça correspond à la consommation d'un à deux foyers de quatre personnes…

Le 25 mars 2017 à Lille, le collectif des Déboulonneurs a recouvert les écrans numériques de slogans.
DR

La liberté de réception, c'est le droit d'avoir le choix de voir ou non la publicité, plutôt qu'elle s'impose à nous.

Mais un monde sans pub est-il possible, et souhaitable ?

Ce qui est souhaitable, c'est d'avoir un monde sobre en publicité, sans pub agressive, c’est-à-dire a minima dans l'espace public et les transports en commun. On ne revendique pas la fin de toute publicité, évidemment que nous ne sommes pas contre la diffusion de l’information municipale ou culturelle. Et toutes les publicités ne se valent pas. Le problème se situe au niveau de la publicité commerciale, marchande, dont le principe est de faire naître ex nihilo un besoin, un désir d’achat. Nous vivons quand même en pleine société de surconsommation, alors qu’on sait aujourd’hui, pour des raisons écologiques, qu’on devrait consommer moins et mieux.

La priorité, c'est déjà de laisser le choix. On est même pour que les gens ne mettent pas de bloqueur de publicité en lisant un article sur le web s'ils veulent soutenir un média qui vit de ses revenus publicitaires par exemple. Du moment qu’ils le décident de façon proactive.

Le 22 mars 2017 au soir, dans le métro parisien, une trentaine de militants anti-publicitaires ont retapissé avec du papier peint 10 panneaux de 12 m².
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Comment peut-on agir lors de la Journée mondiale contre la pub ?

Concrètement, on invite les citoyen-ne-s à agir comme ils le souhaitent. De façon légale ou illégale, ça les regarde ! Le "subvertising" ou "détournement de publicité", c'est un mode d'action énormément mis en place par les groupes anti-publicitaires depuis les années 60, qui consiste à réutiliser les codes de la publicité pour la détourner. Une action très peu risquée au niveau légal et très facile, c'est juste de recouvrir les panneaux avec sa propre affiche, un dessin artistique, un message revendicatif. Il s’agit pour les citoyens de se réapproprier ces espaces. On organise aussi des actions d'extinction des enseignes commerciales la nuit, pour dénoncer la pollution lumineuse. On peut aussi organiser des ateliers de sensibilisation dans les écoles par exemple.

Notre mission, ensuite, c’est de mettre en visibilité les actions de chacun, donc on demande de nous envoyer des photos pour qu’on puisse les médiatiser. C’est très simple mais c’est symbolique. La seule chose qui peut inciter les industriels à changer, c'est la loi. Mais pour ça, il faut provoquer un débat public.

Journée mondiale contre la pub
25 mars 2018
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