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Mai 68. Utopies d’hier, utopies de demain ?

Le Nouveau Magazine Littéraire organise cette semaine une soirée de débats pour réinterpréter les utopies de Mai 68. Interview avec son directeur de publication, Raphaël Glucksmann.

À la veille des cinquante bougies de Mai 68, le Nouveau Magazine Littéraire organise jeudi 26 avril 2018 au Ground Control (Paris 12) une soirée de débats “Utopies d’hier, utopies de demain”, avec près d’une quinzaine de personnalités engagées (Patrick Viveret, Clémentine Autain, Dominique Bourg…) mais aussi une émission de radio, une librairie ainsi qu’une expo et un atelier de sérigraphie. L’occasion de remettre au goût du jour les vieux slogans qui ont jadis fait rêver les murs des universités ?…

L’essayiste, et directeur de la publication du Nouveau Magazine Littéraire, Raphaël Glucksmann dessine avec nous les nouveaux idéaux de notre époque. Interview.

Je rêve d’un monde où on sorte de nos solitudes respectives, où les structures collectives se réinventent. Ce n’est pas tellement une utopie, c’est surtout une nécessité !

Vous n’étiez pas né en Mai 68, qu’est-ce qui vous fascine là-dedans ?

Ce moment où collectivement on a mis la marche du monde sur pause. Les gens ont débattu sur absolument tous les sujets, de la démocratie participative à la libération des mœurs, l’organisation du travail, des syndicats… Tout a été remis en question. C’est un événement extrêmement rare dans une société. Cela n’a pas débouché sur une révolution ni sur un changement total, mais c’est un questionnement qu’il me paraît important de retrouver aujourd’hui, surtout à la lumière de l’alarme écologique et climatique. On sait très bien que si on continue à vivre de la même manière chacun dans notre coin, le monde court à la catastrophe. Donc on a plus que jamais besoin d’appuyer sur pause.

Raphaël Glucksmann, directeur de publication du Nouveau Magazine Littéraire.
©Olivier Marty/Allary Editions

Qu’est-ce qui a changé, des utopies d’hier à celles d’aujourd’hui ?

Pendant Mai 68, il n’y avait pas une mais plusieurs utopies, parfois contradictoires, qui entraient en dialogue : d’un côté, la libération de l’individu, de l’autre, la création d’un monde post-individualiste. Ce qui a gagné, c’est la première. On est aujourd’hui beaucoup plus libre individuellement qu’on ne l’était hier. Ce qui a échoué, c’est l’autre versant. L’utopie de demain, c’est celle rendue possible par la prise au sérieux de l’écologie, c’est-à-dire l’inscription de ses libertés individuelles dans un ensemble collectif. Une société qui se définisse par la gestion commune des biens communs. Je rêve d’un monde où on sorte de nos solitudes respectives, où les structures collectives se réinventent. Ce n’est pas tellement une utopie, c’est surtout une nécessité !

Comment passe-t-on de l’utopie à la réalité ?

Il y a deux voies : la première, c’est celle qui fonctionne aujourd’hui, celle des associations locales, des nouveaux modes de production, du bio, des coopératives… Ce sont des micro-laboratoires de transformation du monde. C’est ce qui peut rendre optimiste. La prise de conscience s’est traduite par des gens qui parviennent à transformer leur environnement immédiat. Mais il faut un deuxième niveau d’action, qui s’appelle la politique, pour passer à sa réalisation collective, à l’échelle d’une nation, d’un continent, voire du monde. Or, cet échelon est en crise. On a longtemps pensé que la politique n’avait plus besoin d’idéaux, ou même qu’elle ne devait pas en avoir, que ce n’était qu’une instance de régulation et de gestion du marché. Mais on a besoin de ces deux jambes.

On sait bien que l’ancien monde est en train de péricliter mais on ne sait pas encore bien quelle tête aura le nouveau, c’est le moment d’échanger…

Qu’est-ce que ça signifie, être engagé, aujourd’hui ?

Prendre au sérieux les mots qu’on prononce. Un exemple bête : tout le monde a vu, et s’est effrayé en le voyant, l’appel des quinze mille scientifiques sur l’état de la planète en Une du Monde. Deux jours après, on est passé à un tout autre sujet de discussion. Cette conscience zappeuse nous donne l’illusion de l’engagement. L’engagement, c’est de rétablir une hiérarchie des priorités. Garder une étoile polaire lors de toutes nos actions. Croire en un modèle et continuer sur la durée, sur une période qui dépasse les 24h du buzz !

Quelle place existe-t-il pour les idées dans la société désormais ?

Une place centrale, il n’y a qu’à voir l’engouement des gens pour les débats, les conférences, tout ce qui permet de s’approprier le monde. À la fois pour des médias ou des communautés d’idées. On est dans une époque où on sait bien que l’ancien monde est en train de péricliter mais on ne sait pas encore bien quelle tête aura ce nouveau monde qui doit émerger. C’est donc le moment d’échanger, et la mort des structures politiques favorise le débat d’idées. La mort du PS et de ce réflexe de vote naturel, ça libère les pensées à gauche ! On peut enfin avoir un grand débat sur ce qu’on veut, ce dont on a besoin et les manières d’y arriver.

Mai 68. Utopies d'hier, utopies de demain
Jeudi 26 avril 2018 de 18h à 00h
Ground Control
81 rue du Charolais 75012 Paris
Pour plus d'informations, cliquez ici.

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