David Wahl a une passion : raconter des histoires en s'appuyant sur des faits qui ont un côté merveilleux. Je veux étonner les gens avec le réel", me confie-t-il lorsque nous nous rencontrons dans un petit troquet vers la gare Montparnasse, à la mi-janvier. Son approche ? L'immersion. Pour chaque causerie il passe huit à neuf mois à lire et se renseigner avant de livrer son propos. "Il s'agit de construire une petite encyclopédie monumentale qui à chaque fois parle de quelque chose" lâche-t-il simplement avec la volonté assumée de"participer à la construction émotionnelle du savoir".
Pour Le Sale Discours, l'idée est de parler d'environnement de manière différente. Son point de départ ? Le paradoxe entre l'hygiénisme de notre société et ce monde qui porte de plus en plus l'emprunte de notre saleté. Son objectif : "sortir des rengaines habituelles, réveiller, surprendre sans faire un film d'horreur". Et ça marche : tout son propos est amené avec finesse et porté avec une belle dose d'humour. Du Porc qui balance à terre, malgré lui un prince en 1131 et provoque alors de drôles décisions en matière de gestion des ordures dans les villes, aux différentes pratiques d'hygiène, de traitement des déchets ou de transhumanisme, tout y passe et nous livre avec délices des mots d'esprit aussi inspirants que "je suis bien peiné de le reconnaître, mais Platon s'est affreusement planté. L'homme n'a vraiment rien d'un porc. Le porc est sale et nettoie; l'homme est propre et salit".
Faut-il ici parler de fable érudite, de conte ou de causerie ? A entendre son éditrice, Sophie Caillat, co-fondatrice des Editions Premier Parallèle, David Wahl est surtout un griot des temps modernes et un raconteur hors-pair. Et pour cause : il nous raconte les déchets comme nous ne les avions jamais vus. Remarquablement ficelé, le ton est cynique à souhait, avec la sensation de le voir marcher avec autant d'habileté et de plaisir qu'un équilibriste aguerri à ces figures de style.
Sur scène, le comédien en combinaison bien rose au début, termine bien crade à la fin. Son texte nous imprègne et nous enveloppe avec autant d'assurance et de maîtrise que le slime noir et brillant dont il se recouvre peu à peu. Au final, on patauge avec lui dans cette petite leçon de philosophie sans jamais se lasser de l'entendre ainsi déclamer sa géographie des déchets. A lire ou à voir de toute urgence !
Pour voir le spectacle, allez-y les 26 ou 27 février 2018 à la Maison de la Poésie.