Sophie Swaton, maître d'enseignement et de recherche à l'Institut de géographie et de durabilité de l'Université de Lausanne (UNIL).
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Un revenu de transition écologique pour changer la société ?

Un « revenu de transition écologique » pour inciter les gens à agir pour la planète ? C'est l'idée innovante de la chercheuse Sophie Swaton. Interview.

Après le revenu universel, voilà le revenu de transition écologique (RTE) ! L’idée ? Verser une aide financière et offrir un accompagnement à toutes les personnes œuvrant dans l’écologie ou le social. Une façon d’inciter à agir et à développer davantage les initiatives positives.

La chercheuse Sophie Swaton, à l’origine du concept, sera présente mardi 13 février à la Maison des sciences économiques à Paris, à l’occasion d’une conférence du Mouvement Utopia face à Corinne Morel Darleux (secrétaire nationale à l’écosocialisme du Parti de Gauche) et Julien Bayou (porte-parole EELV et cofondateur de l’association Mon Revenu de Base). Pour se préparer au débat, nous avons demandé à Sophie Swaton de nous expliquer son idée.

Les forces vives de la société civile existent, mais beaucoup de ces activités ne sont pas rentables et auraient besoin d'un petit coup de pouce.

Qu’est-ce que le « revenu de transition écologique » ?

Sophie Swaton : Ce serait un revenu versé à toute personne ayant une activité à impact écologique ou social. Ces activités seraient définies dans une liste établie avec les CAF, Pôle Emploi, les mairies locales, etc. À l’inverse du revenu de base inconditionnel (RBI), le RTE serait donc conditionné à une activité, et s’ajouterait aux revenus déjà existants des personnes. Au-delà d’un seul versement monétaire, il s’agirait aussi de proposer un vrai accompagnement des individus, auxquels il est demandé d'adhérer à une structure démocratique (coopérative d’activité et d’emploi, association, collectif d’entrepreneurs…).

Cela peut s’adresser à ceux qui sont déjà très engagés mais aussi aux personnes en transition : de jeunes entrepreneurs, des gens dans l’associatif, des seniors actifs… On a 16 millions de bénévoles en France à l’heure actuelle. Les forces vives de la société civile existent, et cela implique tous les milieux sociaux et culturels. Mais aujourd’hui, beaucoup de ces activités ne sont pas rentables et auraient besoin de ce petit coup de pouce. Il faut marier le social et l’écologie.

C'est une forme d'incubateur pour repérer des expérimentations socio-écologiques porteuses de solutions pour la planète et la société.

Ce revenu pourrait donc nous permettre de « changer de société » ?

Il est indispensable parce qu'il nous reste très peu de temps. Depuis les années 1990, l’état de la planète est devenu catastrophique. Les rapports du GIEC sont alarmants, nous avons dépassé quatre des neuf limites planétaires. Pour les générations futures, il faut transiter absolument tout de suite, et pas simplement en roulant en Tesla. Il faut aider les agriculteurs à nourrir convenablement toute la population en se débarrassant des pesticides, développer l’éco-mobilité avec des réseaux de vélos électriques, inciter à des créations de monnaies locales pour redynamiser les territoires…

Notre système de protection sociale glisse un peu vers l'assistanat, et les personnes précaires ne veulent pas de ça. On a besoin dans nos sociétés d'une place et d'une reconnaissance, et elle passe encore par le travail. Le RTE, c'est une forme d'incubateur quelque part. L'idée, c'est de repérer des expérimentations socio-écologiques porteuses de solutions pour la planète et la société, et de donner un signal fort : « On reconnaît ce que vous faites, continuez sans vous préoccuper du matériel. »

On doit changer de paradigme, penser plus la coopération et moins la compétition.

Comment mettre en place concrètement un tel dispositif ?

Il y a déjà énormément d’expérimentations sur le terrain : les éco-quartiers, les villes en transition, les territoires zéro chômeur longue durée… Ce que je propose avec le RTE, c’est un bottom-up : valoriser ces initiatives qui existent déjà, pour que ce soit généralisé et appuyé par les politiques.

Cela veut aussi dire repenser les dispositifs. On pourrait par exemple étendre le RSA actuel aux 18-25 ans sous forme de RTE – parce que les populations jeunes ont souvent du mal à intégrer le marché du travail, et que l'Ademe prévoit 800 000 nouveaux métiers dans la transition écologique et solidaire d'ici 2050, donc autant faire en sorte qu’ils soient tout de suite formés.

Le côté innovant du RTE, c'est de faire travailler ensemble des acteurs qui n'en ont pas l'habitude : associations, entreprises, collectivités. On doit changer de paradigme, penser plus la coopération et moins la compétition, tendre vers une vision sociétale commune. Dans le monde du vivant, on voit bien que c’est comme ça qu’on s’en sort. Il a même été prouvé que les arbres communiquent entre eux ! Donc il nous faut un écosystème humain !

« Un revenu de transition écologique pour changer la société ? »
Conférence du Mouvement Utopia, avec Sophie Swaton, Corinne Morel Darleux et Julien Bayou
Mardi 13 février de 18h45 à 21h
Maison des sciences économiques
106-112 boulevard de l'Hôpital 75013 Paris
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