Confiée à l'agence Michele & Miquel, cette installation hors-normes est "à vivre" dès le 26 janvier, jusqu'au 6 avril. ID s'est entretenu avec la commissaire de l'exposition, défenseure d'une "petite architecture", Fiona Meadows.
Le motif de la cabane est-il symbolique des tendances à venir dans l’architecture ?
C’est une réflexion, une idéalisation, moins de l’ordre de l’architecture que de la recherche et développement, l’étape d’avant. La cabane interroge l’abri minimum.
À toutes les époques, les architectes se sont servis de cet objet pour repenser l’espace d’habiter de manière radicale et montrer les changements de paradigmes de société.
Il s’agit de forcer les décideurs à reconnaître qu’on peut vivre autrement que dans un F1, un F2 ou un F3. Les familles d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes que celles du 19e siècle. Nous avons de nouvelles façons de vivre entre nous. Il y a de nouveaux habitants, des familles recomposées, des travailleurs nomades, des migrants. Donc on doit absolument réinventer le logement.
À quoi ressemble la cabane que vous proposez pour cette exposition ?
J’ai invité les deux architectes franco-barcelonais Michele & Miquel, qui ont un rapport fort à la nature, à déconstruire le plan de l’appartement traditionnel. Ma première ambition, c’est d’occuper les interstices des villes. L’espace du Maif Social Club est un fond de cour, couvert par une verrière. On y a amené une quarantaine d’arbres, afin d’installer dans leurs branches une cabane qui monte vers le ciel. Ils ont conçu des plateformes de quatre mètres carrés, chacune étant dédiée à un usage de la maison. On n’y trouve pas une chambre, une salle de bain et une cuisine, mais des petits espaces pour "se beauter", "s’intimer", méditer, jouer, "musiquer"…
En quoi est-ce un modèle architectural durable ?
Déjà parce qu’il permet d’utiliser tous les délaissés urbains, là où aucun architecte ne pourrait construire. On ne peut pas y mettre un container standard, il faut une intelligence architecturale pour se glisser dans ces espaces, faire avec. Deuxièmement, parce qu’il forcerait à planter des arbres ! Ensuite, l’atout de la cabane est qu’elle se monte et se démonte. Ce n’est pas en béton. Pour l’exposition, nous avons construit des échafaudages, comme des structures en bambou mais contemporaines, pour montrer que c’est une architecture éphémère.
Les valeurs écologiques se retrouvent enfin dans d’autres manières de faire : on a des toilettes sèches, un espace de bricolage pour fabriquer et réparer les choses soi-même, un potager pour jardiner, un four solaire. On a également collaboré avec beaucoup de designers pour le mobilier, dont La Fabrique Nomade qui favorise l'insertion professionnelle des migrants ou encore une start-up française qui fabrique des poufs à partir d’upcycling de toiles plastiques.
À la base la cabane est plutôt solitaire, ici vous la pensez collective ?
Exactement. Cette cabane-là n’est absolument pas repliée sur l’individu, mais essaie plutôt de penser les modes de vie collectifs des nouvelles familles qui s’inventent. Par exemple, dans la pièce "à partager", il y a une grande table qui peut servir de bureau pour les habitants, mais cela pourrait très bien être une salle de réunion qu’on prête ou qu’on loue dans la journée à des collectifs ou des associations. Il y a aussi une caisse de dons de vêtements, un frigo solidaire pour partager sa nourriture entre voisins…
Le tout dans les arbres. Il s'agit de reconnecter avec la nature ?
Pour Michele & Miquel, qui sont aussi paysagistes, il était nécessaire, même si le lieu est contraint, d’évoluer parmi des arbres. La notion de bien-être est importante : on se sent vraiment hors de la ville, comme dans une forêt. L’architecture est presque invisible, prise entre extérieur et intérieur. Il y a une pièce pour donner des graines à manger aux oiseaux et apprendre à les écouter, une autre pour jouer au piano, pour faire la sieste. Toute une ambiance qui me semble essentielle pour s’épanouir. C’est une promenade où l’on déambule d’un endroit à l’autre – j’ai appelé ça des "pays-usages", comme un paysage des usages…
Habitatitude : dans les branches, une cabane habitée
Du 25 janvier au 6 avril 2019
Maif Social Club, 37 rue de Turenne 75003 Paris
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