En matière d'écologie, comme dans d'autres domaines d'ailleurs, être informé ne suffit pas. Savoir ne veut pas dire pouvoir. Et il faut souvent éprouver ou expérimenter pour comprendre, intimement, l'essence du changement. En ce sens, la littérature a un rôle immense à jouer. Car si raconter est un art, changer le récit de l'univers des possibles et envisager d'autres mythes est crucial aujourd'hui.
Les questions écologiques peuvent aussi renvoyer à un sentiment de complexité
On ne peut donc que se réjouir de la création d'un prix dont l'ambition est de mettre en avant les romanciers dont les ouvrages relèvent de cette dynamique. "Les préoccupations écologiques se glissent dans nos gestes quotidiens comme dans nos préoccupations spirituelles, ou les discussions entre générations, elles transforment nos manières de voir les migrations, l’économie ou les questions sociales. Mais les questions écologiques peuvent aussi renvoyer à un sentiment de complexité, d’expertise. Or nous pensons profondément que pour transformer le cours de nos vies, il ne peut y avoir une injonction autoritaire, que c’est bien la société qui doit être un moteur. En ce sens, l’écologie est une nouvelle question démocratique. Et la littérature est une merveilleuse manière de rendre visible, de faire exister une complexité ouverte sur le monde qui mêle les inquiétudes et les bonheurs de la transformation profonde qui est déjà là, avec toute l’inventivité qu’elle requiert" explique Lucile Schmid, co-fondatrice, avec l'écrivain Dalibor Frioux, de l'association PRE, qui organise le prix.
Il ne s’agit pas ici de s’attacher seulement à la question de la nature, mais aux liens entre êtres humains et nature
Leur démarche prévoit donc de récompenser un roman francophone, paru en 2017, de grande qualité littéraire et qui traite de thèmes écologiques. Lucile Schmid développe ainsi leur démarche : "il y a trois éléments importants : un roman francophone d’abord. Lorsqu’on évoque une littérature qui aborde des thèmes écologiques on pense spontanément à des romans américains (il y a toute une tradition de nature writing) ou en Europe à des écrivains anglais, scandinaves appartenant à des sociétés où la préoccupation écologique est présente de longue date. Nous souhaitions explorer une intuition qui était que la littérature française aujourd’hui donnait une place de plus en plus visible à ces sujets, accompagnant en cela une évolution de la société. Avec les libraires qui ont travaillé avec nous, nous avions identifié une bonne vingtaine de romans avant l’été. La qualité littéraire ensuite, ce qui va de soi pour un prix qui porte sur le romanesque, ce qui répond aussi à l’attachement que la société française porte à sa langue, traditionnellement bien sûr, mais aussi avec une inventivité permanente. Enfin l’écologie. Il ne s’agit pas ici de s’attacher seulement à la question de la nature, mais aux liens entre êtres humains et nature, relation entre êtres humains et non humains, question de la place du progrès technique, monde rural, lien entre préservation et transformation du monde..."
Six auteurs en finale
En l'occurence, les six romans retenus pour cette première édition sont les suivants :
- PAGANO Emmanuelle, Sauf riverains, P.O.L 2017 (Paris)
- FLAHAUT Thomas, Ostwald, L’Olivier 2017 (Paris)
- BAQUÉ Joël, La Fonte des glaces, P.O.L 2017 (Paris)
- SERVANT Stéphane, Sirius, Rouergue 2017 (Paris)
- DUCROZET Pierre, L’Invention des corps, Actes Sud 2017 (Paris)
- HENROT Errol, Les Liens du sang, Le Dilettante 2017 (Paris)
Des récits apocalyptiques donc, tout comme des histoires d'hommes et d'animaux, de rapport à l'eau, au sang, à la nature humaine et à son rôle dans le monde... Comment seront-ils départagés ? "Par une discussion entre les membres du jury, présidé cette année par Alice Ferney et composé des membres de l'association, d'écrivains, de libraires et des étudiants de deux formations partenaires du prix (le master de création littéraire du Havre et l'école nationale supérieur du paysage de Versaille)", explique Inès Beneditti, en charge de la communication du PRE.
Rendez-vous le 10 avril prochain à la Gaitée Lyrique pour savoir qui remportera le prix cette année !
Et vous, quel roman ou histoire vous a touché récemment en matière d'écologie ?