Diplômé de l'école Boulle et des Beaux-Arts de Paris, cet artiste émergent a noué depuis son enfance un lien très fort avec la forêt.
©Vincent Laval
Culture

Art contemporain : un jeune artiste défend une pratique plus éthique et durable

Nourri de ses déambulations dans la forêt de Carnelle (Val-d’Oise), et des écrits de botanistes de renom, comme ceux de Francis Hallé, Vincent Laval expose ses sculptures en bois à la galerie Sono, à Paris, du 28 mai au 12 juin. Réalisées à partir d’éléments naturels, ses œuvres poétiques témoignent de son engagement pour la préservation du territoire forestier. Entretien.

Pourquoi avoir choisi d’intituler votre exposition “Apprendre à se fondre” ? 

A travers ce titre, je souhaite interroger notre rapport à la nature, et plus particulièrement à la forêt. Comment interagissons-nous avec cet environnement qui naturellement n’est plus le nôtre ? Comment nous fondre dans ce territoire pour ne pas le déranger et interférer avec ce qui existe ? Il y a aussi un second sens qui s’inscrit cette fois dans l’espace de la galerie où une dizaine de pièces sont installées. Il s’agit majoritairement de sculptures en bois. Certaines sortent du sol, d’autres jaillissent du mur ou du plafond. 

D’où vous vient cette fascination pour la forêt ? 

J’ai grandi près de la forêt domaniale de Carnelle, qui se situe au nord du Val-d’Oise, à seulement 25 km de Paris. Enfant, je m’y suis souvent baladé avec mes parents les week-ends. Puis, j’ai aimé y flâner adolescent. Avec le temps, c’est devenu un vrai terrain d’expression, de liberté, presque une seconde chambre. J’y dormais parfois. Lors de ces longues pérégrinations, j’ai appris à observer et comprendre ses différents équilibres. Aujourd’hui, j’aime encore m’y rendre notamment pour collecter des morceaux de bois. Les sculptures de l’exposition sont d’ailleurs essentiellement composées de branches de châtaigniers glanées dans cette forêt.  

Intitulée "Plus loin dans la forêt", cette sculpture en assemblage de branches de châtaigniers est une évocation de cabane, le symbole d’un lien positif entre humains et forêt.
© Jean-Baptiste Monteil

L'Office national des forêts (ONF) interdit pourtant le ramassage du bois mort car celui-ci permet d'enrichir les sols en se décomposant... 

Je cueille uniquement les branches qui sont imputrescibles. Pour trouver ce bois, cela demande beaucoup de patience et d’observation. Quand je marche dans la forêt, je repère dans un premier temps des branchages qui viennent de tomber au sol. Je repasse ensuite régulièrement pour observer leur vieillissement. Je les ramasse qu’au bout de trois ou quatre ans. La partie périphérique du bois, que l’on appelle l’aubier, a été dévorée par les insectes, et érodée par la pluie et le temps. Il ne reste plus que la partie interne, qui elle ne se désagrège pas. Elle peut rester à l’humidité pendant trente ou quarante ans sans se décomposer. C’est avec ce bois là que je travaille. 

Comment avez-vous développé ces connaissances ? 

Une dizaine de pièces de Vincent Laval sont présentées à la galerie Sono, à Paris, du 28 mai au 12 juin.
©Vincent Laval

Pendant quatre ans, j’ai suivi une formation en ébénisterie et en sculpture sur bois à l’école Boulle que j’ai ensuite complétée avec un diplôme des Beaux-Arts de Paris. J’ai également lu beaucoup d’ouvrages sur l’aspect technique de la botanique. Mais je n’ai jamais cherché à avoir une connaissance scientifique poussée. Je tiens à garder un regard naïf et émerveillé sur la forêt. Mon propos de sculpteur et d’artiste est directement inspiré du botaniste Francis Hallé, spécialisé sur les forêts tropicales humides. 

Qu’est-ce qui vous intrigue dans sa démarche ? 

Je suis fasciné par sa capacité à rendre la forêt magique pour ceux qui ne la connaissent pas, et passionnante pour ceux qui s’y intéressent. Je l’ai rencontré en 2019 dans le cadre de l’exposition Nous les arbres, à la fondation Cartier pour l’art contemporain. Petit à petit, un lien s’est créé. Je suis très sensible à son engagement pour la préservation du territoire forestier. Depuis le début de cette année, j’ai rejoint l’association Forest Art Project dont il est le président d’honneur. Je reverse également 5% de mes revenus artistiques à l’Association Francis Hallé pour la forêt primaire. Ce projet s’inscrit dans la durée puisqu’il faut plus de 800 ans pour qu’une forêt primaire repousse et trouve son équilibre. 

Vous faites également partie de l’agence Sustainable Art Market (SAM) qui vise à promouvoir une pratique éthique et durable dans l’art contemporain. Qu'est-ce que cela signifie pour vous ?

Quand on réalise une sculpture ou une photographie, on apporte à la planète un nouvel objet dont elle n'a pas nécessairement besoin. Il est donc important que cette création ait un faible impact sur l'environnement. A mon échelle, je travaille avec des éléments naturels. Si j’ai besoin de colle, je vais essayer d’en utiliser en petite quantité pour que les matériaux restent les plus sains possibles. Pour l’une de mes œuvres, intitulée Plus loin dans la forêt, j’ai par exemple eu recours à l’équivalent de deux verres de vin de colle. Ce qui est peu pour une sculpture qui fait 2 mètres 20 de haut, et nécessite plusieurs centaines d’assemblages. Au moment de la collecte, je veille également à récupérer les morceaux de bois à la main. Certains font parfois 150 kg. Pour les transporter, je fabrique des chariots ou des systèmes à roulette.  

Au-delà de la phase de conception, êtes-vous aussi attentif aux lieux dans lesquels vous exposez ?  

Si l'on doit uniquement choisir des endroits qui s’intéressent à l’environnement ou au végétal, cela va toucher un public de niche qui a déjà un intérêt pour cette thématique-là. Pour initier un débat, il faut s'ouvrir à tous les milieux. La galerie Sono où j’expose se trouve par exemple rue Saint-Honoré, en plein Paris. On ne s’attend pas à trouver des éléments de forêts dans cet espace-là. Certaines personnes seront peut-être même surprises de découvrir qu’ils proviennent de la forêt de Carnelle, à quelques kilomètres de chez eux. J’espère que cela leur donnera envie de s’y intéresser. 

"Apprendre à se fondre" - Vincent Laval
Du 28 mai au 12 juin 2021
Galerie Sono
91 Rue Saint Honoré 75001 Paris
Pour plus d'informations, cliquez ici.

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